PRIGOGINE ILYA (1917-2003)
Ilya Prigogine, physicien, chimiste et philosophe belge a reçu le prix Nobel de chimie en 1977 pour ses contributions à la thermodynamique des processus irréversibles et spécialement à la théorie des structures dissipatives. Il a en particulier montré que quand la matière s'éloigne de son état d'équilibre, celle-ci peut s'organiser d'elle-même. De tels phénomènes se manifestent aussi bien en en physique qu'en biologie ou dans les fluctuations climatiques. Apparaissent alors des configurations nouvelles qui semblent contredire l'accroissement perpétuel d'entropie que prédit la thermodynamique. Il a pu être montré que cet « ordre né du chaos » se paie par une dépense d'énergie fournie par le monde extérieur, mais ces systèmes ouverts, à toutes les échelles, jouent un rôle important dans la structuration des formes de la nature.
Structures dissipatives
Ilya Prigogine est né le 25 janvier 1917 à Moscou, il est le fils d'un ingénieur chimiste devenu directeur d'usine. Fuyant la Russie soviétique en 1921, la famille s'installe à Bruxelles après un court séjour à Berlin. Après avoir fait ses études secondaires à l'Athénée d'Ixelles, un faubourg de Bruxelles, Ilya Prigogine entre à l'Université libre de Bruxelles pour étudier la chimie et la physique et y obtint le titre de docteur en chimie en 1941. Dès la fin de ses études, il se tourne vers la thermodynamique, où, après diverses contributions à la physique moléculaire (polymères, solutions, basses températures), il aborde pour la première fois l'étude des processus irréversibles, et en fait l'objet de sa thèse d'agrégation à l'enseignement supérieur (1945). Prolongeant la voie ouverte par L. Onsager avec l'établissement de la relation de réciprocité qui porte à présent son nom (1931), Prigogine en déduit son théorème de production d'entropie minimale à l'état stationnaire qui domine toutes les évolutions irréversibles de la région linéaire caractéristique du voisinage d'un état d'équilibre. Il déterminera ensuite les limites de validité de ce théorème et établira les modifications à lui apporter pour en déduire un critère universel applicable à grande distance de l'équilibre, dans le domaine qui relève généralement d'une thermodynamique non linéaire aux propriétés beaucoup plus complexes. Sur ce point, c'est surtout l'étude de la diversité des effets engendrés par l'irréversibilité sur le comportement de la matière en évolution qui a le plus contribué à la renommée de Prigogine. On lui doit notamment une découverte de grande conséquence, propre à ce domaine non linéaire, d'après laquelle un milieu matériel peut y accomplir un processus d'organisation désordre → ordre, tout en restant en parfait accord avec le second principe de la thermodynamique tel qu'il est exprimé par l'inégalité de Carnot-Clausius. On sait que ce même principe affirme aussi que l'état d'évolution le plus probable pour tout milieu isolé est l'état désordonné d'équilibre (maximum de l'entropie) et que cette propriété a souvent été invoquée en faveur d'une prétendue incompatibilité entre les lois d'évolution de la matière et celles de l'ordre biologique qui gouverne l'apparition de la vie. Les conclusions de Prigogine, et d'une façon générale l'ensemble des résultats obtenus par l'école thermodynamique de Bruxelles, ont permis d'éliminer cette incompatibilité apparente. L'interprétation nouvelle fait appel au mécanisme sous-jacent d'intervention des fluctuations. Au voisinage de l'équilibre, celles-ci disparaissent dès leur formation et peuvent donc être ignorées. Toutefois, dans la région non linéaire, certaines d'entre elles peuvent s'amplifier à proximité d'un premier état critique et, conformément à des lois stochastiques, venir perturber[...]
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Écrit par
- Isabelle STENGERS : chargée de cours associée à l'Université libre de Bruxelles, docteur en philosophie
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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