IMAGE MENTALE
Quand nous pensons à la manière d’agencer nos valises pour qu’elles puissent toutes tenir dans le coffre de notre voiture ou au trajet le plus rapide pour nous rendre d’un point A à un point B, nous avons tendance à simuler ces événements en visualisant l’ensemble des solutions qui s’offrent à nous pour en déterminer la meilleure. Quand nous nous engageons dans ce type d’activités mentales, nous faisons l’expérience quasi perceptive de « voir avec notre esprit ». Cette expérience est le reflet de l’activité de notre cerveau sur un type particulier de représentations : les images mentales visuelles. Ces images mentales ne se limitent pas à une modalité sensorielle, elles peuvent être visuelles, auditives, motrices, kinesthésiques ou olfactives. La plupart des chercheurs du domaine s’accordent sur le fait que ces images mentales sont des représentations similaires à celles créées dans les phases initiales de la perception, mais qui ne nécessitent pas de stimulations externes sensorielles pour être générées.
Dès l’Antiquité, les philosophes grecs étudient l’imagerie mentale et lui attribuent une place centrale dans l’activité mentale. Platon, par exemple, considère que la mémoire s’apparente à une tablette de cire sur laquelle nos perceptions et nos pensées laissent des images comme le stylet dans la cire. L’idée qu’il existerait une analogie entre les activités perceptives et d’imageries mentales n’est donc pas nouvelle. Néanmoins, étant donné la nature privée et introspective de l’imagerie mentale, il est extrêmement difficile d’apporter des preuves empiriques objectives susceptibles de nous informer sur les propriétés de ces représentations. Du fait de leur caractère introspectif, l’existence même des images mentales est remise en cause au début du xxe siècle par les chercheurs du courant behavioriste, tenants d’une psychologie scientifique limitée à l’étude de l’effet de la manipulation d’un stimulus observable sur les réponses du sujet. Il faut attendre la démonstration, dans les années 1960, que les images mentales jouent un rôle fondamental dans la mémorisation, la résolution de problème et la créativité pour que l’imagerie mentale constitue un objet d’étude à part entière en psychologie. Les chercheurs s’attachent dès lors à définir plus précisément et plus systématiquement les propriétés des représentations et des processus cognitifs qui sont impliqués dans l’imagerie mentale par l’analyse notamment de données chronométriques. Shepard et Metzler en 1971 mènent la première étude qui adopte cette nouvelle approche chronométrique de l’imagerie mentale. Dans le paradigme proposé par ces auteurs, deux objets tridimensionnels abstraits formés de petits cubes sont présentés côte à côte. Les participants doivent déterminer le plus rapidement possible si ces deux objets sont identiques indépendamment de l’orientation de ces objets dans l’espace. Les auteurs observent que les temps de réponse des participants augmentent linéairement avec la disparité angulaire entre ces deux objets, ce qui démontre, pour la première fois, que, afin de comparer deux objets qui n’ont pas la même orientation dans l’espace, nous utilisons un processus de rotation mentale analogue à celui de la rotation physique d’un objet. Kosslyn, Ball et Reiser en 1978 mettent, quant à eux, en évidence que les images mentales visuelles incorporent les propriétés métriques des objets qu’elles représentent, comme le suggère l’augmentation linéaire des temps de réponse, avec la distance à explorer mentalement entre des objets dont les positions dans l’espace ont été préalablement mémorisées par les participants. Pour ces chercheurs, les images mentales sont des représentations quasi picturales, analogues à celles créées dans la perception visuelle, et dans lesquelles chaque partie de la représentation correspond à une partie de l’objet représenté de telle manière que les[...]
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Écrit par
- Grégoire BORST : docteur en psychologie cognitive, habilité à diriger des recherches, maître de conférences, université de Paris-V-René-Descartes
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