IMAGERIE TÉRAHERTZ
Les rayonnements électromagnétiques dans la gamme de fréquence des térahertzont des propriétés remarquables et en particulier un pouvoir pénétrant sélectif. Les nanotechnologies permettent de fabriquer des sources compactes et efficaces et des dispositifs de détection performants. Leurs applications sont multiples : imagerie médicale ou industrielle, sécurité (détection d’armes et de drogue), caractérisation des gaz polluants, échange sans fil de données volumineuses. Leur dangerosité semble limitée grâce à leur caractère peu énergétique et non ionisant.
L’émission térahertz, un développement récent
On définit la gamme térahertz (ou THz) des ondes électromagnétiques par les fréquences situées entre 100 gigahertz (1011 Hz) et 10 térahertz (10 THz = 1013 Hz, rappelons que la lumière visible a une fréquence de l’ordre de 500 THz), c’est-à-dire les longueurs d’onde comprises entre 30 micromètres et 3 millimètres. Ce domaine électromagnétique est intermédiaire entre l’infrarouge – très employé dans les dispositifs de télécommande par diode électroluminescente – et les micro-ondes – abondamment utilisées, entre autres dans les fours « à micro-ondes ». Il est parfois dénommé infrarouge lointain ou « rayons T ». L’intérêt des ondes térahertz est lié à leur pouvoir pénétrant particulier puisqu’elles permettent de « voir » à travers certains matériaux et en particulier la peau, les vêtements, le bois et les matières plastiques, tout en étant fortement absorbées ou réfléchies par d’autres. L’exploration des problèmes liés à leur production et à leur détection s’est considérablement développée depuis les années 2000 et leur utilisation dans le domaine de la recherche est devenue commune. Les applications industrielles et militaires commencent à émerger.
L’émission THz a été documentée dès 1911, mais une des caractéristiques de ces ondes a fortement freiné les recherches dans ce domaine : l’atmosphère est quasiment opaque aux rayonnements à ces fréquences si bien qu’il n’est guère envisageable de les utiliser dans des radars ou pour des communications à longue distance. Il a fallu attendre l’invention des lasers pour que leur intérêt spécifique en spectroscopie se révèle. Les premiers lasers THz avaient une cavité guide d’onde de quelques mètres de longueur emplie d’un gaz moléculaire organique ; leur efficacité était très faible, ils n’opéraient qu’à très basse température et haut champ magnétique et étaient difficilement accordables. Le laser à cristal de germanium semi-conducteur mis au point en 1985 à l’institut Lebedev de Moscou permit de réaliser les premières applications, mais il devait être refroidi à l’hélium liquide.
Le développement de sources puissantes et compactes n’a vraiment commencé qu’avec l’éclosion de la microélectronique et des nanotechnologies à la fin du xxe siècle. Les lasers à cascade quantique, mis au point en 1994 aux laboratoires Bell de Murray Hill (New Jersey, États-Unis) et commercialisés depuis 2004, ont révolutionné le domaine en tirant profit des propriétés remarquables de l’« effet tunnel » entre une multitude de « puits quantiques », structures particulières qui confinent des électrons dans des matériaux constitués de couches ultraminces de conducteurs. La longueur d’onde du faisceau laser dépend de l’épaisseur de ces couches, et on a ainsi accès au rayonnement THz. Les difficultés à surmonter restent nombreuses, car ces processus nécessitent souvent de très basses températures pour limiter les effets négatifs de l’agitation moléculaire. Des techniques issues de l’optique non linéaire permettent de se libérer de la contrainte de température, en mélangeant deux faisceaux de longueurs d’onde différentes et en utilisant des cristaux particuliers. Les premiers prototypes étaient[...]
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Écrit par
- Bernard PIRE : directeur de recherche émérite au CNRS, centre de physique théorique de l'École polytechnique, Palaiseau
Classification
Média