- 1. Sources romantiques et élaboration psychanalytique
- 2. Des jeux de la nature à l'illusionnisme optique
- 3. L'expression onirique : psychanalyse et phénoménologie
- 4. Fantasme et communication
- 5. Sédimentation sociale de l'imaginaire
- 6. L'imagination matérielle
- 7. Du symbole au mythe
- 8. Expression musicale du destin
- 9. Les mondes imaginaires
- 10. Au-delà de la communication
- 11. Bibliographie
IMAGINAIRE ET IMAGINATION
Au-delà de la communication
Aussi bien, sur le terrain de la psychanalyse, la problématique développée par Jacques Lacan a-t-elle porté au-delà du rapport intersubjectif de communication la fonction constituante de l'altérité. Permettant de suivre, d'étape en étape, les changements de perspective qu'appelle ce dépassement dans l'élaboration du statut de l'imaginaire – égologie, cinématique, dynamique, logique discursive, kénogenèse –, les divers moments schématiquement repérables, entre 1936 et 1980, par le stade du miroir, le graphe, la topologie des surfaces, la systématique des quatre discours et la théorisation des nœuds borroméens déplacent l'analyse de la critique initiale de la formation du moi dans le registre de l'imaginaire à la concaténation de cet imaginaire dans la chaîne signifiante (mécanique représentable par le graphe) ; de celle-ci à la double définition de l'« objet a », objet, mais aussi, et plus profondément, cause du désir de par son statut de reste sur le fondement de la coupure subjective (dynamique représentable par les surfaces topologiques) ; de cette déduction à la logique du type de discours qui l'instaure (détermination topique du « plus-de-jouir » dans le discours du psychanalyste, et par rapport au discours hystérique en particulier) ; articulation enfin de l'imaginaire au symbolique et au réel dans une écriture « borroméenne » propre à caractériser chacun de ces registres par le vide auquel il donne forme, et leur articulation trinitaire par celle de leur vacuité respective : « kénogenèse », si l'on peut en l'occurrence risquer le terme, la distinction des points de vue mécanique et dynamique se trouvant pour sa part reprise de la formulation même de Lacan.
Aisément repérables et datables, les impulsions extérieures dont Lacan n'a cessé de tirer parti ne mériteraient d'être soulignées que pour faire mieux saisir l'originalité non moins éclatante de leur élaboration. Si les analyses de Rank ont préparé la dialectisation et l'imaginaire, tandis qu'émanent en un premier temps des recherches techniques de Lévi-Strauss, de Jakobson et de Benveniste les orientations maîtresses du symbolique de Lacan, essentielle au regard de la psychanalyse demeurait la difficulté de situer dans la chaîne signifiante le lieu d'émergence de l'imaginaire ; mais c'est, au premier chef, de la clinique que viendra la solution, d'une clinique du manque paradoxalement développée sur le thème de la relation d'objet et, plus précisément, de la détermination de la frustration – dam imaginaire d'un objet réel – et de la castration-opération symbolique sur un objet imaginaire. De ce premier repérage linguistique, Lacan cependant s'affranchira du moment où la construction de l'aliénation permettra de faire dériver le fantasme, sur le fondement du cogito, de la refente subjective. Ainsi se justifiera la formule du fantasme déjà proposée : « S poinçon de a ». Un progrès décisif ne s'en est pas moins accompli de la description mécanique des processus illustrée par le graphe, à la dynamique. Le « petit a », disions-nous, n'interviendra plus en tant qu'objet, mais en tant qu'il est cause du désir. Désormais, en effet, se trouve reporté au-delà de l'imaginaire le pôle de visée devant lequel il fait écran ; et de cette fonction de la coupure confirmation est apportée par l'interprétation de la série de Fibonacci, faisant valoir sous les espèces du nombre d'or l'unique expression possible de l'incommensurabilité de l'« objet a » à l'unité intersexuelle qui est celle de la sublimation.
Inaugurée sur le thème de l'imaginaire, poursuivie sur le thème du symbolique, à propos duquel les ressources de la linguistique, nous[...]
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Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Média
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