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IMAGINAIRE SOCIAL

Par l'expression « imaginaire social », on désigne l'ensemble des représentations imaginaires propres à un groupe social : les mythes, les croyances cosmiques et religieuses, les utopies. On suppose que cet ensemble, générateur de significations, participe à la vie commune, aux pratiques sociales : ce sont ces liens, ces implications du symbolique dans les pratiques qui retiennent particulièrement l'attention des analystes du social.

Les fonctions sociales de l'imaginaire social

Cette problématique de l'imaginaire n'est pas récente : elle a reçu des réponses élaborées depuis les origines de la réflexion philosophique ; elle a été renouvelée par les fondateurs modernes des sciences sociales. Ainsi, dans ses écrits sur la vie politique de son temps, Karl Marx insiste sur « le poids très lourd » que seraient les traditions anciennes dans le déroulement des révolutions. Dans Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1852), il rappelle que les révolutionnaires jacobins se considérèrent eux-mêmes comme des héros de la Rome antique, reproduisant leur style et imitant leurs modèles. De même, les paysans français qui votèrent pour le neveu de Napoléon Ier, lors de l'élection à la présidence de la République de décembre 1848, ne votèrent ni pour leurs représentants ni pour défendre leurs propres intérêts, mais en raison du souvenir prestigieux qu'ils conservaient de l'Empereur . Max Weber, dans L'Éthique protestante et l'esprit du capitalisme (1904-1905), ouvre une autre voie de réflexion sur le problème de la mise en pratique et la transformation des croyances religieuses. Il fait l'hypothèse que la croyance calviniste en la prédestination a inspiré une nouvelle conception de la vie morale, un ethos du travail et des rapports avec autrui, incitant à l'engagement dans le travail productif et favorisant, finalement, le processus de l'accumulation primitive du capital.

Dans cette vaste problématique, Émile Durkheim et Sigmund Freud ont ouvert deux champs de recherche à partir d'hypothèses et d'objectifs différents. Durkheim s'est attaché, dans Les Formes élémentaires de la vie religieuse (1912) et ses travaux sur les formes de la pensée archaïque, à montrer comment les catégories intellectuelles et les croyances trouvaient leur source dans les structures sociales et comment, réciproquement, elles participaient à leur fonctionnement et à l'adhésion des individus. Freud construit, à partir des années 1920, une théorie de l'inconscient apparemment opposée à la problématique sociologique de Durkheim, mais qui rejoint les investigations sur les imaginaires sociaux : ses hypothèses conduisent à chercher les racines inconscientes et les conflits psychiques qui sont à l'origine, par exemple, des identifications à un chef politique.

Les sociétés contemporaines ne cessent de reproduire des formes diverses d'imaginaire social, comme on le voit dans les domaines de la consommation ou des loisirs. On sait combien les publicitaires s'efforcent de créer une profusion d'images visant à magnifier les objets offerts sur le marché et à les rendre ainsi désirables. Ces créations ne sont pas sans effets : outre leur efficacité pour provoquer des achats, ces images évoquent des styles de vie, des conceptions de la vie heureuse, des modes de présentation de soi qui participent à l'évolution des mœurs. De même, la production des biens matériels, les pratiques financières elles-mêmes, considérées trop souvent comme parfaitement dénuées de créativité imaginaire, ne peuvent se poursuivre sans un ensemble de représentations du futur. Une politique financière, aussi asservie soit-elle aux calculs et aux chiffres, élabore des scénarios du futur d'autant plus importants qu'ils contribuent à la construction de l'avenir. D'où, aussi, une profusion d'exhortations divergentes, d'appels à[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Paris-VII-Denis-Diderot

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