IMAMITES ou DUODÉCIMAINS
Tenants d'une secte shī‘ite, également appelés duodécimains. Cette branche est essentiellement représentée par l'islam iranien. Le shī‘isme s'est morcelé, au cours de son histoire, à l'occasion de la succession des imāms. Ainsi, à la mort de Dja‘far al-Sādiq, sixième imām des duodécimains, les partisans de son fils Ismā‘īl soutinrent que leur candidat avait reçu l'investiture de son père, et qu'il était en état d'occultation jusqu'au jour où il reviendrait comme mahdī : ce sont les ismaéliens. Les mūsāwiyya, au contraire, prétendaient que le successeur légitime de l'imām défunt était un autre de ses fils, Mūsā. Ils furent les duodécimains, et Mūsā est leur septième imām. Il y eut encore une crise lors de la mort d'Abūl-Ḥasan al-‘Askarī (868) ; tandis qu'un des groupes voyait dans son troisième fils, Muḥammad, le mahdī attendu et que Muḥammad b. Nusayr al-Namīrī, considérant le calife disparu comme une incarnation de l'Esprit-Saint dont il revendiquait pour lui-même la succession, fondait ainsi la secte des nuṣayrīs, les duodécimains reconnaissaient comme onzième imām le fils d'Abūl-Ḥasan al-‘Askarī, nommé al-Ḥasan al-‘Askarī. Enfin, à la mort de ce dernier, les duodécimains considérèrent que la lignée des imāms visibles était éteinte ; le fils d'al-Ḥasan, Muḥammad, ayant disparu encore enfant, à six, sept ou huit ans, fut regardé comme le mahdī, qui continue à vivre sur terre en état d'absence (ghayba) et reviendra à la fin des temps.
Les sectes shī‘ites diffèrent également entre elles par leur dogmatique. L'imāmisme est un shī‘isme modéré par rapport aux extrémistes (ghulāt) que sont les ismaéliens et les nusayrīs. Sa doctrine de l'imāmat remonte à l'époque de Dja‘far al-Sādiq : l'humanité ne peut se passer d'un guide infaillible que Dieu dirige. Désobéir à l'imām ou l'ignorer, c'est comme désobéir au Prophète ou l'ignorer : c'est être infidèle. L'imām exerce de droit un pouvoir politique et religieux ; mais il n'est pas requis, pour qu'il soit réellement imām, qu'il l'exerce effectivement (de ce point de vue, la doctrine imāmite est tout à fait opposée à celle des zaydiyya, pour qui l'imām doit prendre le pouvoir réellement). Visible et sans pouvoir matériel, ou caché, l'imām est toujours en mesure de remplir, par sa seule existence, le rôle illuminateur qui est le sien. Le monde ne peut se passer d'imām. Il n'y en a qu'un à la fois, bien que son successeur puisse être à ses côtés. Il est déjà marqué, en effet, comme imām, mais il est silencieux (sāmit). L'imām possède toutes les sciences. Dans plusieurs termes coraniques : « Lumière de Dieu » (sourate lxiv, verset 70 : « Croyez donc en Dieu, et en son Envoyé, en la Lumière que nous avons fait descendre »), « Témoins de Dieu » (xxxix, 69 : « On amènera les Prophètes et les Témoins »), « Signes » (xvi, 16 : « Il a jeté sur la terre [...] des Signes »), « Ceux qui sont ancrés dans la foi » (iii, 7 : « Le sens symbolique n'est connu que de Dieu et de ceux qui sont ancrés dans la foi »), les commentateurs voient des désignations des imāms. Pour les imāmites, les trois premiers califes sont des imposteurs.
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Écrit par
- Roger ARNALDEZ : membre de l'Institut, professeur émérite à l'université de Paris-IV-Sorbonne
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