IMMUNOLOGIE
La réactivité défensive
Un autre aspect des phénomènes immunologiques est né en 1881 lorsque un zoologiste russe, E. Metchnikoff (1845-1916), travaillant à Messine (Italie), a montré que les cellules mobiles des larves d'étoiles de mer entourent en peu de temps un objet étranger (il s'agissait d'épines de roses). C'était la première expérience montrant la participation de cellules dans un mécanisme de protection. En examinant au microscope des daphnies, qui sont transparentes, Metchnikoff a constaté que leurs cellules mobiles tuent les spores d'un champignon qui peuvent être mortelles pour ces êtres. Des faits analogues ont été observés ensuite avec des leucocytes humains ou de lapins, et Metchnikoff a donné le nom de phagocytose au phénomène d'absorption de micro-organismes par les cellules blanches du sang. Ces résultats lui ont fait admettre que la défense de l'organisme est due à des cellules (des cellules mobiles, macrophages et polynucléaires, et des cellules fixes ; il les a appelées phagocytes) et il a formulé sa théorie de l'immunité cellulaire. En 1887, sur l'invitation de Pasteur, Metchnikoff est venu travailler à l'Institut Pasteur où il est resté jusqu'à sa mort en 1916. Sa théorie, admise par beaucoup, a aussi été réfutée, en particulier par des pathologistes qui admettaient que les réactions inflammatoires étaient dues à des lésions locales permettant aux cellules mobiles du sang de pénétrer dans les tissus, tandis que Metchnikoff postulait qu'elles pouvaient traverser les parois des tissus et que les macrophages ont des activités enzymatiques envers les produits phagocytés. Des objections à la théorie de l'immunité cellulaire sont apparues en constatant que des actions immunitaires pouvaient se produire en absence de cellules. En 1886, Fodor a constaté une action directe d'un immunsérum spécifique sur des bactéries charbonneuses. Les résultats les plus nets ont été obtenus en 1890 par Emil von Behring et Kitasato : la neutralisation des toxines diphtérique et tétanique par des immunsérums correspondants, donc une immunité humorale. En 1894, Calmette a constaté aussi une activité neutralisante envers des venins de serpents des immunsérums antivenins. Ces faits importants ont très rapidement amené à la sérothérapie et, dès 1893, on a préparé chez des chevaux des immunsérums antitoxines à usage thérapeutique. Une autre activité humorale a été démontrée par Pfeiffer et Isaeff en 1894, l'agglutination et même la lyse de vibrions cholériques en absence de cellules lorsqu'on les injecte dans le péritoine de cobayes préalablement immunisés. Ces faits ont fourni des arguments contre la théorie de l'immunité cellulaire de Metchnikoff. Or, à cette époque, Jules Bordet (1870-1961), qui travaillait chez ce dernier, a démontré que la bactériolyse observée par Pfeiffer ou l'hémolyse des érythrocytes nécessitent deux facteurs sériques : un constituant thermolabile présent dans tous les sérums et un constituant thermostable et spécifique présent dans les immunsérums correspondants. Divers termes ont été utilisés pour désigner le facteur thermolabile : alexine, cytose, complément. C'est finalement ce dernier nom qui a été retenu. Bordet a admis que ce facteur est formé par plusieurs constituants et qu'il comprend des actions enzymatiques, ce qui a été démontré seulement bien plus tard. Les observations de Bordet étaient en contradiction avec les idées de Metchnikoff. Mais elles ont abouti à faire admettre que les deux mécanismes, cellulaire et humoral, peuvent participer à la défense de l'organisme. Depuis, on a vérifié que les deux branches de l'immunité se rejoignent, car les produits humoraux sont synthétisés par des cellules du système lymphoïde.
À l'époque, on désignait les facteurs[...]
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Écrit par
- Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
- Pierre GRABAR : membre de l'Académie de médecine, directeur honoraire de l'Institut de recherche sur le cancer du C.N.R.S, Villejuif, professeur honoraire à l'Institut Pasteur
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