IMMUNOLOGIE
La réactivité nocive
Jusqu'en 1902, tous les phénomènes immunologiques observés étaient considérés comme faisant partie d'un mécanisme général de défense de l'organisme. Mais, cette année-là, Richet et Portier ont observé un fait inattendu en étudiant l'action toxique d'extraits des tentacules de Actinaria. Une seconde injection de ces extraits n'induisait pas une augmentation de la protection d'un animal, mais au contraire provoquait un choc violent, parfois mortel. Ils ont désigné ce phénomène par anaphylaxie. L'apparition d'une nécrose locale chez un animal déjà immunisé par une injection antérieure du même antigène a été décrite en 1903 par Arthus (phénomène d'Arthus). En 1905, von Pirquet et Schick ont observé une réaction immédiate provoquée par une réinjection du sérum antistreptococcique. Ils l'ont nommée « réaction d' hypersensibilité » et ont admis qu'elle était due à la présence d'anticorps antisérum. En étudiant des réactions analogues avec la tuberculine, von Pirquet a établi l'épreuve de scarification cutanée comme moyen de diagnostic. En 1906, il a proposé le terme « allergie » pour désigner une modification de la réactivité immunitaire. Maintenant, ce terme est employé pour désigner tous les phénomènes de sensibilisation, tandis que le terme plus adéquat d'anaphylaxie n'est utilisé que pour désigner le choc anaphylactique. La contraction d'un muscle lisse d'un animal sensibilisé par une injection de l'antigène qui a été utilisé pour la sensibilisation a été montrée par Schultz et Dale (réaction de Schultz-Dale).
Le rhume des foins a été décrit en 1830 par Blackley. On admettait qu'il s'agissait de constituants toxiques dans le pollen. Des essais de désensibilisation ont été proposés par Besredka, en 1907, et par Noon et Freeman, en 1911. Quelque temps après, on a envisagé qu'il s'agissait d'une hypersensibilité et, en 1921, Prausnitz et Küstner ont prouvé l'exactitude de cette supposition. On appelle réaction de Prausnitz-Kustner l'épreuve de transfert passif d'une réaction cutanée de sensibilisation à la substance sensibilisante qu'on appelle « allergène ». Une réaction cutanée analogue permettant une évaluation quantitative des anticorps dans un immunsérum a été élaborée vingt-huit ans plus tard par Biozzi, Mene et Ovary. La similitude des réactions anaphylactiques et de l'action de l' histamine a été démontrée par Dale et Laidlow en 1910, puis en 1927 par Lewis. Maintenant, grâce aux travaux de Bovet et A.-M. Staub (1939), on utilise des substances antihistaminiques pour éviter des réactions allergiques.
La possibilité d'effectuer des transplantations de tissus a déjà été envisagée au début du siècle. On a constaté que le rejet des greffes est un phénomène immunologique, et des études sur les constituants antigéniques des divers tissus ont été entreprises. Ainsi, Metchnikoff et Besredka, en 1902, ont préparé des immunsérums antileucocytes qui avaient un effet cytotoxique sur ces cellules, mais qui provoquaient au contraire une prolifération de ces cellules si on injectait de très petites doses. Bien plus tard, Bogomoletz a préparé des immunsérums antitissus lymphoïdes et il a essayé de les employer pour provoquer une telle prolifération, tandis que les sérums antilymphocytes ont été et sont encore parfois utilisés pour inhiber les rejets de greffes (Woodruff, Starzl). Dans les deux cas, les résultats ont été irréguliers, ce qui s'explique par le grand nombre d'antigènes utilisés et par conséquent par l'hétérogénéité des anticorps présents dans les immunsérums utilisés.
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Écrit par
- Joseph ALOUF : membre titulaire de l'Académie nationale de pharmacie, professeur honoraire à l'Institut Pasteur, Paris, directeur de recherche honoraire au C.N.R.S., professeur à l'Institut Pasteur de Lille
- Pierre GRABAR : membre de l'Académie de médecine, directeur honoraire de l'Institut de recherche sur le cancer du C.N.R.S, Villejuif, professeur honoraire à l'Institut Pasteur
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