Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

IMMUNOPATHIES

Auto-immunisation

On a longtemps pensé que le système immunitaire n'était pas capable de réagir envers les subtances appartenant à l'organisme dont il fait partie. Paul Ehrlich lui-même avait parlé d'« horrorautotoxicus ». On sait aujourd'hui qu'il n'en est rien : le système immunitaire peut surmonter les barrières régulatrices établies au cours de son développement et de son fonctionnement et mettre en place les éléments d'une réaction immunitaire dirigée contre des substances de son propre organisme, des auto-antigènes. Il s'agit d'une réaction dite auto-immunitaire (le terme « auto-immune » souvent employé est d'ailleurs impropre : un anticorps est bien immun, mais une réaction est immunitaire.) Certaines de ces réactions sont même physiologiques, contribuant à l'équilibre de la réaction immunitaire, tels les anticorps anti-idiotypes ; d'autres passent inaperçues, tels certains auto-anticorps découverts par hasard chez des sujets cliniquement sains et le demeurant. Mais certaines de ces réactions humorales (anticorps) ou cellulaires (lymphocytes sensibilisés) peuvent avoir des conséquences néfastes, fonctionnelles ou même lésionnelles, sur l'organisme, et constituent de ce fait un chapitre majeur de l'immunopathologie créée en expérimentation ou observée en clinique.

L'expérimentation animale

On peut, chez l'animal, observer ou réaliser deux catégories de maladies auto-immunitaires. Dans une première catégorie on crée la maladie par injection d'auto-antigènes à un animal : un extrait brut ou purifié d'organe (provenant de l'animal lui-même ou d'un animal identique) ou même une molécule pure, ou un fragment peptidique de cette molécule, est injecté à l'animal, en règle mélangé à des adjuvants de l'immunité ; on surveille ensuite l'apparition de signes de réactions auto-immunitaires spécifiques et d'atteinte de l'organe correspondant. Des résultats significatifs ont été obtenus chez plusieurs espèces animales. Ils ont touché de nombreux organes : le système nerveux central, avec l'encéphalomyélite allergique expérimentale, la première décrite, qui sert de modèle pour la sclérose en plaques ; le testicule et les spermatozoïdes, avec l'orchiépididymite aspermatogène auto-immunitaire ; la thyroïde (thyroïdite allergique expérimentale) ; l'œil (uvéo-rétinite allergique expérimentale) ; la jonction neuro-musculaire avec ses récepteurs pour l'acétylcholine (myasthénie auto-immunitaire expérimentale) ; les glomérules rénaux et leur membrane basale ; les surrénales ; le tissu collagène (arthrite chez le rat et la souris) et d'autres organes encore. L'intérêt de ces études est double. En premier lieu, ces pathologies sont proches des maladies auto-immunitaires humaines spécifiques d'organes et font penser que l'auto-antigène peut y jouer un rôle causal ou déclenchant. En second lieu, elles ont mis en évidence deux ordres de faits remarquables.

D'une part, l'affection peut être transférée à des animaux intacts, parfois passivement au moyen de sérum ou d'immunoglobulines d'animaux atteints, mais surtout « adoptivement » par transfert de lymphocytes T d'animaux atteints ; il s'agit essentiellement de lymphocytes TH1, sécréteurs de lymphokines inflammatoires (IL2, IFNγ, TNF). D'autre part, l'induction de la maladie peut être prévenue par des traitements immunosuppresseurs. Lorsque l'on administre l'antigène responsable, sous une forme appropriée (avec des adjuvants « incomplets » ou sous forme soluble par voie intraveineuse ou parfois par la bouche) on pratique le procédé de facilitation active ou immunodéviation active. Le transfert de protection peut se faire parfois au moyen d'immunoglobulines[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur en médecine, professeur émérite d'immunologie, C.H.U. Necker, Paris
  • : agrégé, maître de conférences à l'université de Paris-VII
  • : professeur de pédiatrie et de génétique médicale, chef de service d'immunologie pédiatrique à l'hôpital des Enfants-Malades, Paris, directeur de l'unité d'immunologie et de rhumatologie pédiatrique (U 132) de l'I.N.S.E.R.M.
  • : maître de recherche à l'I.N.S.E.R.M., hôpital Tenon, Paris
  • : docteur en médecine, docteur ès sciences, directeur de recherche émérite à l'I.N.S.E.R.M., C.N.R.S.

Classification

Médias

Déficits immunitaires congénitaux - crédits : Encyclopædia Universalis France

Déficits immunitaires congénitaux

Déficits immunitaires acquis - crédits : Encyclopædia Universalis France

Déficits immunitaires acquis

Maladie sérique aiguë expérimentale - crédits : Encyclopædia Universalis France

Maladie sérique aiguë expérimentale

Autres références

  • ALLERGIE & HYPERSENSIBILITÉ

    • Écrit par , , et
    • 12 574 mots
    • 2 médias
    L'allergie clinique pose des problèmes auxquels il est encore difficile de répondre. Pour quelle raison seule une fraction de la population exposée au même environnement se sensibilise-t-elle tandis que le reste demeure indemne ? Pourquoi un individu se sensibilise-t-il à une substance donnée et non...
  • BOUILLAUD MALADIE DE ou RHUMATISME ARTICULAIRE AIGU

    • Écrit par
    • 530 mots

    Sous le terme de maladie de Bouillaud ou rhumatisme articulaire aigu, on regroupe un ensemble de manifestations pathologiques, articulaires ou non articulaires, faisant suite à une infection par un streptocoque du groupe A. Un mécanisme immunologique non entièrement élucidé semble à l'origine...

  • CHAÎNES LOURDES MALADIES DES

    • Écrit par
    • 231 mots

    À la suite d'anomalies affectant le génome des immunocytes, ceux-ci peuvent produire des immunoglobulines atypiques. C'est pourquoi certaines hémopathies lymphoïdes ou lymphomatoses entraînent des altérations dans la structure des chaînes d'immunoglobulines, encore appelées « maladies des chaînes...

  • CONNECTIVITES

    • Écrit par
    • 1 759 mots
    ...macromolécules différentes (voir plus loin). D'autre part, il ne semble pas que le collagène soit systématiquement impliqué dans la pathogenèse des maladies désignées par le terme collagénose par Klemperer. Leur véritable lien est représenté par le rôle que joue la matrice intercellulaire, ou ...
  • Afficher les 13 références