IMPACT MÉTÉORITIQUE DE LA LIMITE CRÉTACÉ-PALÉOGÈNE
Une hypothèse désormais bien étayée
Les indices d'un impact météoritique à la limite Crétacé-Paléogène s'accumulèrent dans les années 1980, avec notamment la mise en évidence de grains de quartz choqués par la violence de la collision, de gouttes de roches fondues par la chaleur dégagée (microtectites) et de minéraux oxydés pendant la traversée de l'atmosphère par l’astéroïde. Puis, au début des années 1990, le cratère d'impact de Chicxulub, à cheval sur la péninsule du Yucatán et le golfe du Mexique, fut découvert. D'un diamètre de 200 kilomètres, il remonte précisément à la limite Crétacé-Paléogène et constitue une preuve supplémentaire de la réalité de l'impact. Il est d’ailleurs accompagné, tout autour du golfe du Mexique, de traces sédimentaires démontrant la survenue d’un gigantesque tsunami provoqué par l’impact et qui eut des conséquences dévastatrices à l’échelle régionale. Des campagnes de forages, notamment celle menée en 2016 sous les auspices de l'International Continental Scientific Drilling Program (ICDP) et de l'International Ocean Discovery Program (IODP), ont fourni de nombreuses informations sur la structure même du cratère et les étapes de sa formation. Elles ont aussi permis de reconstituer les événements survenus après l'impact, lorsque le cratère était rempli de sédiments marins. L'étude des ichnofossiles (traces d’activité biologique fossilisées) montre notamment que les organismes benthiques (qui vivaient sur le fond marin) purent recoloniser la zone du cratère en quelques années après sa formation. Cela soutient l'hypothèse d'un événement de très courte durée, mais qui fut d'une grande violence, comme le montre une étude publiée en 2022 concernant des sites de la limite K-Pg en Tunisie et en Algérie, qui confirme l'extinction presque totale des foraminifères planctoniques lors de l'impact.
Aujourd'hui, l'impact météoritique doit être considéré comme un fait géologique bien établi, qui eut clairement des conséquences sur les êtres vivants, comme l'a montré en 2019 la découverte dans l'Ouest américain (Dakota du Nord) du site de Tanis, qui présente un niveau fossilifère apparemment exactement contemporain de l'impact et contient des restes de plantes, d'insectes et de vertébrés qui en furent les victimes. On y trouve notamment des sphérules de roche fondue jusque dans les branchies des poissons. Ce dépôt inhabituel semble avoir été formé lors d'une inondation provoquée par un séisme lui-même causé par l'impact. Les études menées sur ce site exceptionnel ont même permis de suggérer que l'impact s'est produit à la fin du printemps ou au début de l'été, d'après les stries de croissance et les isotopes du carbone dans les os de poissons, ainsi que le stade de développement des insectes.
Rares sont aujourd'hui les scientifiques qui persistent à exprimer un certain scepticisme quant à l'hypothèse de l'impact, invoquant plutôt d'autres phénomènes tels qu'un volcanisme intense attesté en Inde à cette époque. Le rôle déterminant de cette collision aux répercussions mondiales dans l'extinction en masse de la limite Crétacé-Paléogène ne fait plus de doute pour la majorité des paléontologues. Les recherches ne visent donc plus désormais à démontrer la réalité de l'impact, mais à préciser le déroulement exact des événements, qu'il s'agisse de la formation du cratère ou des conséquences sur le monde vivant.
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Écrit par
- Eric BUFFETAUT : directeur de recherche émérite au CNRS
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Médias