IMPEACHMENT
Forme de responsabilité pénale des autorités politiques, l'impeachment, dont l'équivalent français correspond grosso modo à la responsabilité pénale du chef de l'État et des ministres, est né en Grande-Bretagne au xviie siècle ; c'est ainsi qu'en 1689, deux proches conseillers du roi sont exécutés à l'issue de la procédure d'impeachment amorcée par la mise en accusation devant le Parlement, la chambre des Communes et celle des Lords. Durant tout le xviiie siècle, la seule responsabilité qu'encourent les ministres est une responsabilité pénale mise en œuvre suivant cette procédure. C'est là le seul moyen dont disposent les Chambres, moyen très limité dans la mesure où une responsabilité pénale étant forcément individuelle, toute responsabilité solidaire et collective du Cabinet est exclue. Progressivement supplantée par la responsabilité politique en Grande-Bretagne, l'institution de l'impeachment a été exportée aux États-Unis, régime présidentiel sans responsabilité politique du pouvoir exécutif devant le Congrès, où elle conserve, dans une faible mesure, sa signification première.
L'impeachment est prévu par la Constitution américaine de 1787. L'article premier, section 3, établit le pouvoir juridictionnel du Sénat et fixe la peine applicable. La condamnation maximale est la destitution, éventuellement assortie de l'interdiction d'exercer aucune fonction publique à l'avenir, sans préjudice des poursuites civiles ou pénales susceptibles d'être exercées par d'autres juridictions. Seuls quatre juges fédéraux ont été effectivement destitués jusqu'à présent, bien plus nombreux étant ceux qui ont préféré démissionner au stade de l'enquête préalable ; tel fut également le cas du président Nixon, qui a choisi de quitter le pouvoir, le 9 août 1974. L'article 2, section 4, est rédigé ainsi : « Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis pourront être destitués de leurs fonctions sur mise en accusation suivie de condamnation pour trahison, concussion ou autres crimes ou délits. » L'impeachment est donc utilisable contre tous les fonctionnaires civils américains ; mais, en raison de sa lourdeur, la procédure n'a été engagée, ou n'a failli être engagée que contre trois présidents et quelques juges fédéraux. La formule « autres crimes ou délits » est tellement imprécise qu'elle permet une appréciation très large des faits incriminés, sous réserve qu'il s'agisse bien d'infractions pénales. Mais cette exigence n'est pas vraiment respectée dans les faits, tel que cela ressort des trop rares exemples tirés de la pratique, puisque des considérations d'ordre politique ne cessent d'interférer.
La procédure se déroule en plusieurs étapes. C'est à la chambre des Représentants qu'il appartient de la mettre en marche, sur proposition de sa commission des affaires juridiques, qui doit dresser l'acte d'accusation (articles of impeachment). Dans l'hypothèse où la Chambre vote la mise en accusation, pour laquelle la majorité simple suffit, le dossier est transmis au Sénat qui peut prononcer l'impeachment à la majorité des deux tiers des sénateurs présents. Le premier exemple d'un président à l'encontre duquel la procédure a été engagée est celui d'Andrew Johnson, en 1868, pour des raisons politiques, non dissimulées d'ailleurs ; les sénateurs reprochaient au président de s'opposer à une loi (considérée aujourd'hui comme totalement inconstitutionnelle) qu'ils avaient votée à trois reprises. Dans cette affaire, le Sénat était donc à la fois juge et partie, ce qui explique que les droits de la défense n'ont été que sommairement respectés. L'impeachment n'a pas été prononcé,[...]
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Écrit par
- Nicolas NITSCH : docteur en droit, diplômé de sciences politiques
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