IMPÔT Histoire de l'impôt
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Le système fiscal français
Apparue au xixe siècle en France, chez des auteurs comme P. Leroy-Beaulieu et R. Stourm, reprise au xxe siècle par E. Allix, G. Jèze et H. Lauffenburger, l'expression « système fiscal » est utilisée aujourd'hui par la plupart des fiscalistes pour désigner l'ensemble des impôts appliqués à un moment donné dans un pays déterminé. Il peut paraître excessif de parler de système fiscal dans la mesure où la formule semble impliquer l'existence d'une combinaison harmonieusement et logiquement agencée alors que l'observation des diverses structures fiscales montre qu'elles sont le plus souvent constituées d'éléments épars, plus ou moins cohérents, qui résultent plus d'une sédimentation et d'une juxtaposition que d'une réflexion abstraite. Reflet de l'état d'une société, traduction de la nature de pouvoir, la structure fiscale d'un pays dépend certes des choix du pouvoir politique mais demeure soumise à l'influence de facteurs sociaux, économiques, psychologiques avec lesquels les gouvernements doivent composer. Pour comprendre le système fiscal de la France d'aujourd'hui, il faut connaître, dans ses grandes lignes, l'évolution de la fiscalité depuis la fin de l'Ancien Régime. Cette prise en considération du passé permet de se rendre compte que, derrière la technique fiscale, jouent des influences politiques, sociales et économiques.
Le poids du passé
Le système fiscal français actuel est le fruit d'une lente évolution marquée par deux moments de profonde transformation, la Révolution de 1789 et la Première Guerre mondiale, qui divisent cette évolution en trois grandes périodes : l'Ancien Régime ; l'époque libérale, qui recouvre le xixe siècle et se prolonge jusqu'en 1914 ; la période moderne, qui a vu apparaître une fiscalité nouvelle.
La fiscalité de l'Ancien Régime
Le système fiscal de la monarchie française n'était pas le fruit d'un plan d'ensemble, il était fait de pièces et d'éléments divers, constitués au cours des âges au gré des événements. Les défauts de ce système, notamment sa lourdeur et son injustice, ont fait de son abolition l'un des buts de la Révolution. Taille, capitation et vingtième constituaient l'essentiel des impôts directs. La taille, à l'origine impôt féodal, était devenu impôt royal au xiiie siècle. Elle tirait son nom du mode de preuve destiné à établir son paiement, qui consistait à faire une encoche dans une latte de bois qui était taillée en deux, une partie du bâton restant entre les mains du receveur, l'autre dans celles du contribuable. D'abord impôt extraordinaire, la taille devint permanente après 1439. Dans les pays du Nord, il s'agissait d'un impôt personnel payé par les roturiers et dont les nobles et le clergé étaient dispensés. Dans les pays du Sud, pays d'État, la taille était une sorte d'impôt foncier. La capitation fut créée en 1695 pour financer la guerre de la ligue d'Augsbourg ; elle fut supprimée en 1697 puis rétablie en 1701 et définitivement réglementée par une ordonnance royale de 1780. Un tarif divisait tous les sujets du roi en vingt-deux classes (dont une pour le dauphin) selon leurs revenus présumés. Bien qu'en théorie elle portât sur tous les sujets du roi d'après « les moyens et les facultés de chacun », la capitation fut légère pour le clergé qui la racheta très rapidement et pour les nobles dont la participation resta modeste. Les vingtièmes furent d'abord établis sous le nom de dixièmes en 1710, et devinrent vingtièmes en 1749. Inspirés des propositions de Vauban dans « la dîme royale », ils étaient une sorte d'impôt sur le revenu à quatre cédules portant sur le foncier, le mobilier, le commerce et l'industrie. Moderne et rationnel, cet impôt échoua en raison des difficultés d'évaluation de la matière imposable et de l'hostilité d'une partie de l'opinion, et notamment des Parlements, et il se réduisit finalement à un supplément à la taille.
Aide, gabelle et traites représentaient les principaux impôts indirects. Le nom d'aides, tiré du droit féodal, désignait à l'origine tous les impôts et servait à caractériser les droits indirects frappant certaines transactions ; elles portaient surtout sur les boissons. Le nom de gabelle désignait d'abord divers impôts de consommation sur les vins, les draps, etc., puis, à partir du xiiie siècle, il ne concerne plus que la taxation du sel. La gabelle a marqué les esprits par son impopularité et les révoltes qu'elle a suscitées. Cet impôt sur le sel était en effet assorti d'un monopole de l'État sur un produit indispensable et d'une obligation de consommation minimale. Son régime variait de province à province ; on distinguait ainsi les pays de grande gabelle, ceux de petite gabelle et les pays rédimés qui seuls étaient exemptés de ce prélèvement. Les traites étaient les droits de douane de l'Ancien Régime qui frappaient les marchandises lors de leur passage aux frontières non seulement du royaume, mais aussi d'une province à l'autre à l'intérieur du royaume. Bien que simplifiées sous Colbert, les traites restaient très compliquées à la fin du xviiie siècle.
Enfin, les droits d'aides et de mutations correspondant à nos droits d' enregistrement s'ajoutaient à ces impôts. D'abord impôts féodaux, ils devinrent royaux au xvie siècle. Les principaux étaient le droit de contrôle perçu sur les actes notariés, le droit d'insinuation payé à l'occasion des donations entre vifs et le droit de centième denier qui frappait les mutations de propriété.
Dès le milieu du xviiie siècle, le système de la monarchie avait fait l'objet de nombreuses critiques. Les philosophes lui reprochaient son caractère archaïque et son injustice et, d'une manière plus générale, les encyclopédistes et les physiocrates s'étaient attaqués aux fondements politiques et économiques de l'impôt. Au point de vue technique, à l'exception des vingtièmes, impôt de quotité établi par une administration publique, les impôts de l'Ancien Régime étaient essentiellement des impôts de répartition affermés à des particuliers. Ces procédés archaïques d'imposition conçus pour une économie rurale, refermée sur elle-même, entravaient la circulation des biens et ne permettaient pas le développement d'une économie d'échanges. Cependant, il convient de reconnaître à ce système certaines qualités techniques : création des titres de maniement pour les droits de circulation, institution d'un cadastre, tentative de personnalisation avec la capitation. Sur le plan politique, on dénonçait un système consacrant l'arbitraire et l'injustice. Les privilèges aboutissaient à faire porter tout le poids de l'impôt sur le tiers état et plus encore sur les paysans.
La fiscalité révolutionnaire et libérale
Le mauvais état des finances de l'Ancien Régime fut une des causes de la Révolution, qui détruisit tout l'édifice fiscal de cette époque. Les révolutionnaires posèrent trois grands principes : le principe d' égalité devant l'impôt, directement lié à l'égalité civile proclamée solennellement dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; le principe de liberté, en réaction contre l'arbitraire et les vexations des contrôles qui conduisirent à préférer, en matière d'assiette, le système indiciaire à celui de la déclaration contrôlée ; le principe de la condamnation des impôts indirects, qui entraîna, à la suite des idées physiocratiques, à faire reposer l'essentiel de la fiscalité sur l'impôt direct nominatif. Mais, si le cadre législatif mis en place par les constituants et amélioré sous l'Empire demeura stable tout au long du xixe siècle, l'évolution des structures économiques eut pour effet de transformer profondément la fiscalité française. La stabilité fiscale du xixe siècle est plus apparente que réelle car, si la Révolution a établi un système fiscal à prédominance d'impôts directs, à la fin du xixe siècle c'est la fiscalité indirecte, initialement reléguée au rôle de recette d'appoint, qui l'emporte.
Les constituants établirent un véritable « système » fondé essentiellement sur l'impôt direct, mais, très vite, des réformes fragmentaires vinrent le défigurer. La contribution foncière, la contribution mobilière et la contribution des patentes, créées en 1790 et en 1791, auxquelles le Directoire ajouta en 1798 la contribution sur les portes et fenêtres connurent une remarquable longévité puisqu'elles demeurèrent jusqu'en 1917 les seuls impôts directs et que les « quatre vieilles » continuèrent à servir de base aux impôts locaux jusqu'en 1974. Dans l'esprit des constituants, la contribution foncière devait fournir plus des deux tiers des ressources publiques. À l'origine impôt de répartition, elle frappait le revenu net des terres et des bâtiments, et concernait essentiellement la bourgeoisie urbaine et les propriétaires ruraux. La contribution mobilière comportait, lors de sa création en 1791, deux éléments : une taxe civique égale à la valeur de trois journées de travail et une taxe sur les revenus de l'industrie et la richesse mobilière ; elle devint, en 1799, une taxe assise sur la valeur locative de l'habitation, considérée comme indice des facultés contributives. Les jurandes et corporations furent supprimées par la loi du 2 mars 1791 qui, en contrepartie, instaura la contribution des patentes qui frappait les revenus des personnes exerçant une activité commerciale, industrielle ou libérale. Impôt assis sur des signes extérieurs, dont la valeur locative des locaux professionnels, la patente faisait l'objet d'une modulation selon les professions. Ainsi les cabaretiers voyaient-ils leur imposition multipliée par deux, alors que celle des boulangers était réduite de moitié. Enfin, pour faire face aux difficultés financières apparues après la « banqueroute des deux tiers », le Directoire institua, par la loi du 4 frimaire an VII, la contribution des portes et fenêtres destinée à taxer le revenu évalué selon une technique très simple, puisqu'il suffisait de dénombrer les ouvertures d'une habitation pour calculer le montant de l'impôt. Cet impôt sur la consommation d'air et de lumière influença l'architecture du xixe siècle, les propriétaires, pour réduire leur charge fiscale, n'ayant d'autre ressource que de réduire le nombre des ouvertures de leur habitation. Le système révolutionnaire correspondait à une certaine logique ; il subit au cours du xixe siècle des transformations qui, sans être radicales, le modifièrent sensiblement. Ainsi, la contribution foncière qui, dans l'esprit de ses créateurs, devait être la pièce maîtresse de l'édifice fiscal, vit son importance décliner à cause des difficultés d'évaluation, et se dédoubler en une contribution sur les propriétés bâties et une contribution sur les propriétés non bâties. La contribution mobilière, conçue comme un impôt sur les revenus mobiliers, devint surtout un impôt sur le logement, ne tenant pas compte de la situation personnelle du contribuable. La patente connut, elle aussi, des transformations allant dans le sens d'une recherche des facultés contributives plus précise : un tarif complexe comportant un droit fixe et un droit proportionnel fut établi. Enfin, en 1872, apparut un nouvel impôt, l'impôt sur le revenu des valeurs mobilières, perçu par voie de retenue à la somme lors du paiement des coupons.
La fiscalité indirecte subit une évolution totalement opposée puisque, après leur suppression au début de la Révolution, les droits indirects furent rétablis et occupèrent progressivement la première place au sein de la structure fiscale du xixe siècle. Symboles de l'arbitraire, critiquées comme entraves à la libre circulation des marchandises, les impositions indirectes furent abolies dès les premiers mois de la Constituante. Mais, timidement réintroduits dans le système fiscal sous le Directoire, les impôts frappant la consommation furent rétablis sous le Consulat et l'Empire ; l'impôt sur le sel réapparaît en 1800, l'impôt sur les boissons en 1804, et, en 1810, fut constitué le monopole du tabac. Il est paradoxal de constater que le xixe siècle, qui fut marqué par de profondes transformations économiques et sociales, connut une stabilité fiscale, mais une stabilité qui n'est qu'apparente, une stabilité purement juridique. Cette stabilité s'explique par l'ambiance libérale qui excluait l'interventionnisme économique et condamnait le réformisme fiscal, ainsi que par l'élasticité des impôts indirects qui permit de faire face à la progression des dépenses publiques. En effet, face à la rigidité des impôts directs fondés sur les indices peu évolutifs, les impôts indirects portant sur des produits de consommation courante virent leur part dans les rendements fiscaux s'accroître pour atteindre les trois quarts des recettes fiscales à la fin du xixe siècle. L'évolution qui s'est opérée depuis la Révolution a mis en évidence le caractère hétérogène du système, ce qui devait permettre à Joseph Caillaux de faire remarquer que « le système fiscal ne porte l'empreinte ni d'une grande idée, ni d'une grande personnalité ». On dénonçait aussi l'absence de personnalisation qui tenait à l'application d'impôts réels portant sur des choses, assis selon la méthode indiciaire sans tenir compte de la situation personnelle et familiale du contribuable. Ce système, qui ne reposait que sur des signes extérieurs, s'il évitait toute possibilité d'inquisition fiscale, répondait certes aux vues de la bourgeoisie industrielle et commerçante très attachée au secret des affaires mais était profondément injuste, car l'évaluation d'après les signes extérieurs frappe l'apparence des facultés contributives et non la réalité, et, surtout, la prédominance des impôts sur la consommation aboutissait à sous-fiscaliser la bourgeoisie et à reporter l'essentiel du fardeau fiscal sur les couches les moins favorisées.
La fiscalité moderne
Les transformations du système fiscal français depuis la Première Guerre mondiale se sont faites suivant trois axes d'évolution : le passage d'impôts analytiques aux impôts synthétiques, l'adoption de nouvelles techniques d'assiette et de liquidation, l'accroissement du rendement. En effet, avec l'accroissement des dépenses publiques dû aux suites de la Première Guerre mondiale et avec l'évolution du rôle de l'État qui assure des tâches économiques et sociales, il a fallu trouver de nouvelles ressources fiscales. Dans le même temps, la recherche de la justice fiscale va conduire à une série de réformes aussi bien en ce qui concerne la fiscalité directe qu'en ce qui regarde l'imposition de la consommation.
Au début du xxe siècle, le système des « quatre vieilles », fondé sur des impôts réels, indiciaires, uniformes et proportionnels, était dépassé. La faiblesse de son rendement était en contradiction avec l'évolution générale de l'économie, de nouvelles formes de richesses étant apparues qui se trouvaient à l'abri des impôts en vigueur.
L'imposition des revenus
Les partis de gauche, notamment le Parti radical, mettaient en avant les idées de solidarité et préconisaient l'introduction d'un impôt progressif sur le revenu à l'instar des Britanniques et des Allemands. De 1871 à 1909, plus de deux cents projets ou propositions furent déposés à la Chambre des députés.
Si le principe de l'imposition des revenus semblait acquis, les modalités d'application variaient à l'infini. Des divergences se manifestaient à propos de l'évaluation de la matière imposable : fallait-il abandonner le système indiciaire et sa discrétion pour recourir à la déclaration avec le risque d'inquisition ? On rencontrait aussi des opinions différentes sur la meilleure façon d'atteindre effectivement tous les revenus, quelle que soit leur origine, et sur la façon de frapper l'ensemble des revenus. Mais, surtout, l' impôt sur le revenu va être présenté comme un impôt révolutionnaire. L'impôt sur le revenu, c'est le socialisme par l'impôt, proclamait Thiers, et l'introduction de la réforme se heurta à l'opposition farouche du Sénat. Joseph Caillaux qui, dans un premier projet présenté en 1900, proposait un système inspiré du modèle prussien de l'Einkommensteuer, déposa en 1907 un second projet qui opérait une synthèse entre différentes propositions antérieurement défendues par Peytral, Doumer, Rouvier, Cochery, en prévoyant la création, sur le modèle de l'income tax, d'impôts cédulaires, frappant chaque catégorie de revenus à un taux proportionnel, et d'un impôt général, progressif et personnalisé, atteignant l'ensemble du revenu du contribuable. Adopté par la Chambre des députés en mars 1909, le système fut définitivement voté en 1914 par le Sénat.
Le système Caillaux, mis en place par deux lois du 15 juillet 1914 et du 31 juillet 1917, supprimait les « quatre vieilles » et les remplaçait par deux catégories d'impôts superposés. D'une part, on trouvait les impôts cédulaires, frappant toutes les catégories de revenus ou cédules : impôt sur les revenus des propriétés bâties et non bâties, impôt sur les bénéfices agricoles, impôt sur les bénéfices industriels et commerciaux, impôt sur les bénéfices non commerciaux, impôt sur les traitements et salaires, impôt sur le revenu des valeurs mobilières. Chaque impôt cédulaire était calculé sur le revenu net et se voyait appliquer un taux proportionnel spécifique permettant de moduler l'imposition des revenus en fonction de leur origine, afin de favoriser ou de pénaliser les titulaires de certains revenus. D'autre part, l'impôt général sur le revenu se superposait à l'ensemble et frappait, une seconde fois, la somme des revenus du contribuable constituant le revenu global. Son caractère personnel était très affirmé car il tenait compte de la situation exacte du contribuable, notamment de ses charges de famille, et son taux était progressif. En fait, seul l'impôt général répondait aux exigences d'une fiscalité moderne, les impôts cédulaires conservaient des techniques dépassées. Ce système, malgré ses imperfections et les résistances des contribuables, subsista jusqu'en 1948. Le décret-loi du 9 décembre 1948 introduisit deux innovations dans le paysage fiscal en instituant l'impôt sur les sociétés et en unifiant l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Sous le régime Caillaux, les sociétés étaient taxées de le même manière que les individus. Désormais, tous les bénéfices des sociétés sont soumis à un impôt particulier dont les règles d'établissement sont proches de celles de l'ancienne cédule des bénéfices industriels et commerciaux, mais dont le taux est proportionnel. La réforme le fixait à 14 p. 100 ; il fut porté à 50 p. 100 en 1959 avant de redescendre à 33,33 p. 100 en 1992. L'unification de l'impôt sur les personnes physiques ne fut réalisée que partiellement dans la mesure où, si les cédules disparurent, il n'en subsistait pas moins deux impôts : la taxe proportionnelle, qui succédait aux impôts cédulaires, et la surtaxe progressive, qui remplaçait l'ancien impôt général sur le revenu.
Ce système fut sensiblement modifié par la loi du 28 décembre 1959 qui, tout en maintenant l'impôt sur les sociétés, unifia l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Depuis cette réforme et les mesures partielles qui l'ont suivie, l'impôt sur le revenu qui atteint les foyers est un impôt unique, général et personnalisé. Il frappe l'ensemble des revenus d'un même foyer fiscal, c'est-à-dire les époux et les personnes à leur charge, et porte sur le revenu net imposable qui résulte de la somme algébrique des revenus catégoriels (traitements, salaires, pensions et rentes viagères, bénéfices industriels et commerciaux, bénéfices non commerciaux, bénéfices agricoles, revenus fonciers et revenus des valeurs mobilières), compte tenu des déductions et abattements propres à chaque catégorie de revenu et en déduisant du revenu global certaines charges. Sa liquidation conjugue l'application de la progressivité et la prise en considération des charges de famille. Le système du quotient familial permet d'aménager la progressivité de cet impôt en fonction de la situation et des charges de famille de chaque contribuable.
Les impôts indirects
Les impôts indirects ont connu, depuis la fin de la Première Guerre mondiale, une évolution caractérisée par le remplacement progressif des impôts particuliers sur la consommation par un impôt général à caractère synthétique. On remarquera que, dans ce domaine, la fiscalité française fut à l'origine de créations originales alors qu'en matière d'impôts directs les réformes ont été inspirées par des systèmes anglo-saxons.
En 1917, on instaura, pour obtenir un supplément de recette, une taxe sur les paiements qui frappait les ventes au détail, cette taxe étant perçue par voie de timbres apposés sur les factures. Le mécanisme fut perfectionné en 1920 avec l'institution de la taxe générale sur les affaires. Comme son nom l'indique, il s'agissait d'un impôt général qui frappait toutes les transactions industrielles et commerciales ainsi que les prestations de services. Cette taxe était perçue à l'occasion de chaque transaction, de chaque vente. Son principal défaut tenait à son caractère cumulatif (ou en cascade) : plus un produit faisait l'objet de transactions, plus il supportait de charges fiscales. Ce système pénalisait les circuits longs et avantageait les circuits courts, c'est-à-dire les produits passant par un petit nombre d'intermédiaires. Pour éviter cet effet de cascade et assurer une certaine neutralité de l'impôt vis-à-vis des circuits de production et de distribution, on mit en place un système de taxes uniques non cumulatives applicables à certains produits. Ces taxes uniques se développèrent dans les secteurs les plus divers ; en 1936, il existait une quarantaine de taxes uniques dont les imbrications avec la taxe sur le chiffre d'affaires conduisaient à une telle complexité qu'une simplification s'imposait. La remise en ordre intervint en 1936. Le gouvernement du Front populaire supprima la taxe sur le chiffre d'affaires et la plupart des taxes uniques, et instaura une taxe à la production qui frappait la généralité des ventes et des importations en s'appliquant à un seul stade du circuit, sa perception étant assurée au stade du dernier fabricant ou du dernier producteur fiscal. En outre, les prestations de services étaient assujetties à une taxe cumulative : la taxe sur les prestations de service. La taxe à la production présentait deux avantages : elle diminuait le nombre de contribuables et excluait ceux qui ne présentaient pas une « maturité fiscale » suffisante pour entrer dans un mécanisme de taxes sur le chiffre d'affaires. Mais l'étroitesse de son champ d'application et la modicité de son taux nuisaient à son rendement. De plus, sous la pression des circonstances et la nécessité de satisfaire des besoins budgétaires de plus en plus importants, on vit apparaître de nouveaux impôts indirects : taxe sur l'armement, taxe locale. Un progrès considérable allait être accompli en 1948 avec le régime des « paiements fractionnés ». Désormais, la taxe était due à chaque vente, mais, à chaque stade, on déduisait la taxe payée au stade précédent. Autrement dit, la taxe d'amont devient déductible de la taxe d'aval et chaque producteur retranche de la taxe à verser au Trésor, au titre de ses ventes, la taxe qu'il a supportée sur ses achats et que ses fournisseurs ont déjà versée au Trésor dans les mêmes conditions. Toutefois, le mécanisme des déductions n'était pas parfait, car la taxe, ayant grevé les achats de biens d'équipement, les frais généraux et les services, n'était pas déductible. Il en résultait une double taxation des investissements qui pénalisait les entreprises consentant un effort de modernisation.
Imaginée par Maurice Lauré, la taxe à la valeur ajoutée, introduite dans notre système fiscal en 1954, devait mettre un terme à cette situation anormale et assurer la neutralité fiscale. Avec la T.V.A., l'impôt payé à chaque stade ne porte que sur la valeur ajoutée à ce stade au précédent, déduction faite de tous les éléments entrant dans sa composition, aussi bien les éléments matériels que les autres composantes du prix de revient (machines, services, transports, etc.). Par sa neutralité active, la T.V.A. devait favoriser l'expansion économique en suscitant les investissements et en favorisant les exportations. Mais il faudra attendre 1968, date à laquelle la T.V.A. fut généralisée aux activités commerciales, artisanales et aux prestations de service et où disparurent les nombreuses taxes spécifiques, pour qu'il soit mis fin à l'extraordinaire complexité du système des impôts indirects. Enfin, dans le cadre de la construction de la Communauté européenne et de sa politique d'harmonisation fiscale, la réforme de 1979 a étendu à toutes les activités économiques autres que salariées cet impôt qui a atteint l'âge de la maturité. Une dernière étape, allant dans le sens de l'harmonisation des taux, est engagée depuis pour parfaire le grand marché européen.
À côté de la T.V.A. subsistent toutefois quelques impôts spécifiques à une catégorie particulière de dépense. Occupant une place secondaire, ils fournissent des recettes dites de poche, souvent utilisées pour équilibrer les lois de finance sans qu'il soit possible de critiquer leur augmentation eu égard aux produits taxés (tabac, alcool, jeux de hasard, courses hippiques, etc.). Dans cette catégorie de prélèvement, outre ces contributions indirectes stricto sensu héritées des taxes de l'Ancien Régime, on range aussi la taxe intérieure sur les produits pétroliers (T.I.P.P.). Celle-ci est perçue au stade de la mise à la consommation des produits pétroliers raffinés, c'est-à-dire au moment où les carburants et fuels sortent des raffineries pour être distribués. Ses tarifs sont définis par unité physique du produit et différenciés suivant la nature de l'emploi du produit, et en fonction des orientations de la politique énergétique.
Impôts sur le capital
La fortune est frappée en France à intervalles espacés lors de la transmission d'un patrimoine à un autre, qu'il s'agisse d'une mutation à titre gratuit ou d'une mutation à titre onéreux. Toutes les transmissions de biens faites par suite d'un décès sont soumises aux droits de succession, dont l'origine remonte à la féodalité, qui sont régis par des dispositions du Code civil issues de lois de l'an VII (1804). Après plusieurs tentatives infructueuses, ce type d'imposition a finalement été réformé par la loi du 26 juin 2006.
Les mutations d'immeuble à titre onéreux donnent lieu au paiement d'un droit proportionnel assis sur le prix exprimé dans l'acte de vente. Depuis 1985, les droits de vente d'immeuble ont été transférés aux départements qui peuvent, dans des limites étroites, en fixer le taux.
Dans le cadre de la réforme des impôts locaux, la loi du 31 décembre 1973 a transformé les anciennes contributions foncières en deux taxes (taxe foncière et taxe d'habitation) qui frappent les propriétés bâties et non bâties d'après leur valeur locative. Enfin, instauré par la loi du 30 décembre 1981, l'impôt sur les grandes fortunes (I.G.F.) est venu compléter la panoplie des impôts atteignant la détention d'un patrimoine. Fortement critiqué, il fut supprimé en 1986, mais rétabli en 1989 sous le nom d'impôt de solidarité sur la fortune (I.S.F.). Toujours très contesté, l'I.S.F. a vu depuis lors son assiette progressivement réduite, pour ne plus comprendre, pratiquement, que le seul patrimoine foncier, notamment résidentiel, des ménages.
Au terme de cette évolution, on peut dégager deux grandes tendances. L'évolution de l'imposition sur le revenu aboutit à personnaliser les cotisations des contribuables, les mesures techniques comme le barème progressif, les abattements et le quotient familial constituant autant de moyens qui permettent de moduler la charge fiscale en fonction de la situation concrète du foyer fiscal. Une seconde tendance a consisté à unifier la fiscalité autour de quelques grands impôts ; aujourd'hui, l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les sociétés et la T.V.A. représentent environ 80 p. 100 des recettes fiscales de l'État.
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Écrit par
- Jean-Claude MAITROT : professeur de droit public à l'université de Paris-V-René-Descartes
- Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis
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