IMPÔT PROGRESSIF SUR LE REVENU
Condorcet, qui fut l'un des premiers théoriciens de l'impôt progressif sur le revenu, en a donné la définition suivante : « Celui qui augmente plus qu'en proportion de la valeur imposée ; comme si, par exemple, 1 000 livres de revenu payaient un vingtième ; que, pour le revenu qu'on a de plus, jusqu'à 2 000 livres, on payât deux vingtièmes, trois pour le revenu qu'on aurait au-dessus de 2 000 livres jusqu'à 3 000 et ainsi de suite. » En d'autres termes, l'impôt progressif sur le revenu soumet la matière imposable, c'est-à-dire le revenu, à un taux qui augmente plus vite que la base d'imposition. Ce type d'impôt, dont le principe est aujourd'hui accepté par tout le monde, a fait l'objet de controverses très vives en France à la fin du xixe siècle et au début du xxe, lorsqu'il était question de réformer la fiscalité directe et de créer un impôt général sur le revenu.
De nos jours, l'impôt progressif sur le revenu est présenté comme un élément très efficace de personnalisation de l'impôt permettant d'atteindre une certaine justice. Fondé sur la théorie marginaliste, l'impôt progressif sur le revenu fut considéré, pendant très longtemps, comme un « impôt de gauche » et figura dans tous les programmes d'inspiration socialiste. Plusieurs modalités d'application de cet impôt ont été tour à tour proposées. Dans le système de la progressivité globale, également appelée progressivité par classes, la matière imposable détenue par un contribuable est frappée à un taux unique d'autant plus élevé que la matière imposable est importante. Ainsi, pour un revenu inférieur à 1 500 euros, le contribuable paierait 10 p. 100 ; pour un revenu de 1 500 à 3 000 euros, 15 p. 100 ; pour un revenu de 3 000 à 4 500 euros, 20 p. 100 ; etc. Ce système fait apparaître immédiatement le taux de l'impôt, mais il présente un grave inconvénient, qui réside dans les sauts brutaux d'imposition entre les différents paliers. En effet, si l'on reprend l'exemple précédent, un contribuable ayant perçu un revenu de 1 490 euros paierait 149 euros d'impôt au taux de 10 p. 100, tandis qu'un contribuable dont le revenu s'est élevé à 1 520 euros serait imposé au taux de 15 p. 100 et devrait payer 228 euros d'impôt. Une différence de revenu de 30 euros entraînerait ainsi une différence d'impôt de 79 euros. La progressivité par tranches permet d'éviter cette conséquence absurde. Le revenu n'est pas affecté d'un taux unique, mais est découpé en un certain nombre de tranches, dont chacune est frappée d'un taux différent, de plus en plus fort à mesure que l'on atteint les tranches supérieures. À chaque tranche de revenu est appliqué le taux correspondant, l'imposition est égale à la somme des impositions dues pour chacune des tranches. Ce système réalise une progressivité continue, mais il ne permet pas de connaître le taux réel de l'impôt payé. S'il est communément admis que l'idéal de justice fiscale est à peu près satisfait par l'impôt progressif sur le revenu, un certain nombre d'économistes, de chefs d'entreprises et de contribuables insistent sur les conséquences néfastes qu'aurait ce type de prélèvement. Selon ces différents milieux, l'impôt progressif sur le revenu, en frappant fortement les revenus les plus élevés, en viendrait à gêner la constitution de l'épargne privée ; dans ces conditions, la progressivité serait un obstacle au développement économique. En outre, on reproche également à l'impôt progressif sur le revenu de freiner l'activité des particuliers en développant chez eux un sentiment de frustration. Enfin, un tel impôt tend à susciter la dissimulation de[...]
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Écrit par
- Jean-Claude MAITROT : professeur de droit public à l'université de Paris-V-René-Descartes
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