IMPROVISATION MUSICALE
À l'origine, il y a l'improvisation. Le ferment majeur de l'évolution musicale est la recherche sur un instrument. L'improvisation coïncide, en un sens large, avec la création conçue comme une improvisation non soumise à l'évanescence, puisque l'écriture permet les ratures et la patiente élaboration de néologismes musicaux. L'improvisation est aussi une qualité de l'interprétation : Gisèle Brelet estime que la musique est vivante quand elle donne l'impression d'être improvisée. Mais, essentiellement, l'improvisation définit l'énonciation musicale spontanée, soit d'une œuvre complète, soit d'éléments plus ou moins importants d'une composition antérieure. Dans le premier cas, l'improvisateur invente le thème ou le reçoit d'un autre musicien.
Individuelle ou collective, l'improvisation respecte toujours des règles conventionnelles de langage, sans l'observation desquelles le produit sonore reste inintelligible.
Tous les instruments invitent à l'improvisation ; mais les polyphoniques lui ouvrent un champ plus vaste et plus complexe que les monodiques. Depuis le guitariste en quête d'un accompagnement sous la mélodie qu'il chante, jusqu'à l'organiste, traditionnellement considéré dans le monde musical occidental comme l'improvisateur par excellence, en passant par les musiciens de jazz et les chercheurs de musique aléatoire, l'improvisation fleurit en jaillissement de structures sonores maîtrisées et resplendit en œuvres d'art fugitives, que seules les techniques d'enregistrement modernes peuvent graver pour la joie ou la curiosité des amateurs.
À la naissance de la musique
La musique, fille de l'imprévu, naît avec la surprise émerveillée de l'oreille que captivent les qualités enchanteresses des sons. Peu à peu, l'homme apprivoise et accorde ces vibrations, tout à la fois en façonnant les instruments (lutherie) et en structurant leur langage (gammes, rythmes, harmonie...). Utiliser les ressources sonores de la matière en vibration pour en contrôler le devenir, c'est déjà improviser au sens exploratoire du terme ; mais, contrairement à ce que l'étymologie pourrait laisser comprendre, improviser, c'est prévoir, refuser le hasard, organiser à l'avance, faire face à l'imprévu (improvisus), écarter ce qui survient à l'improviste ; cela, parce que improviser, c'est reprendre, répéter. Quand l'imprévu se glisse dans une improvisation musicale, la cacophonie – le non-sens sonore – l'emporte sur la musicalité. L'auditeur, pour qui certes il y a l'imprévu de l'inédit, l'accepte uniquement s'il sait et s'il sent qu'il n'en est pas un pour l'artiste. Autrement dit, cet imprévu non imprévisible de l'improvisation obéit aux lois générales du langage et de la communication. Poussant à l'extrême une telle conception, Jean Huré (1877-1930) a évoqué « cette dictée exécutée qui forcément sert de base nécessaire à l'art d'improviser », comme si quelque muse invisible chantait à l'oreille du musicien. En effet, dans l'improvisation coïncident composition et exécution : les doigts exécutent ce que l'esprit semble déchiffrer sur une secrète partition qui s'imprimerait au moment même où l'instrument l'exprime. L'improvisateur, musicien qui se souvient, parle la musique comme d'autres leur langue maternelle.
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Écrit par
- André-Pierre BOESWILLWALD : compositeur, membre fondateur de la Confédération internationale des musiques électro-acoustiques (C.I.M.E.-U.N.E.S.C.O.), chercheur au Groupe de musique électro-acoustique de Bourges, professeur au Conservatoire national de la région d'Amiens, conseiller fondateur du studio Delta P à La Rochelle
- Alain FÉRON : compositeur, critique, musicologue, producteur de radio
- Pierre-Paul LACAS : psychanalyste, membre de la Société de psychanalyse freudienne, musicologue, président de l'Association française de défense de l'orgue ancien
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Médias
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