MADÁCH IMRE (1823-1864)
« La Tragédie de l'homme »
Madách composa Az Ember Tragédiája (La Tragédie de l'homme), publiée pour la première fois en 1861, à l'âge de trente-sept ans. Le point de départ de la pièce est fourni par le récit de la Genèse. Esprit de négation, Lucifer se révolte et réclame sa part à Dieu, qui lui donne deux arbres dans l'Éden. Après avoir succombé à la tentation, Adam et Ève sont expulsés du Paradis. Entre Adam, animé du désir de savoir ce que l'avenir lui réserve ainsi qu'à ses descendants et si la vie et son combat méritent d'être acceptés, et Lucifer, qui veut renverser l'univers de Dieu par l'intermédiaire de l'homme, une entente se noue (scènes i à iii). Lucifer suggère à Adam une série de rêves qui évoquent des moments caractéristiques de l'histoire humaine ou, plutôt, illustrent les progrès accomplis par l'idée de liberté au sens hégélien, avec toutefois une différence importante : l'antithèse n'est pas suivie d'une synthèse, mais d'une hétérothèse, et, contrairement à la conception de Hegel prévoyant l'avènement de la liberté absolue dans une situation et une institution historiques concrètes, l'univers présenté par Madách ne laisse pas de place à ce genre d'optimisme.
Des scènes iv à xiv, Adam passe par l'expérience de l'histoire : successivement pharaon en Égypte, Miltiade à Athènes, adepte de l'hédonisme à Rome, Tancrède, chef des croisés à Byzance, il prend une part active et déterminante aux événements. Aux temps modernes, il est Kepler à Prague, Danton à Paris, puis, à Londres, cité du capitalisme, il prend les traits d'un révolté anonyme, rôle qu'il assume encore dans un État socialiste d'une époque future. Il fait même l'expérience du vol dans l'espace et, finalement, assiste à la dégradation ultime de l'humanité. Au cours de ce voyage dans l'Histoire, Adam vieillit tout en conservant sa lucidité et son objectif : découvrir le sens de sa lutte. Ève, en revanche, change totalement et oublie son passé ; Adam reconnaît en elle l'« éternel féminin ». Lucifer sert de guide à Adam et met tout en œuvre pour le désespérer, non sans un certain succès. Au sortir de ses rêves (scène xv), Adam, en effet, dans son abattement, veut se suicider. Mais Ève qui attend un enfant lui fait comprendre qu'il ne pourra pas, en se donnant la mort, arrêter l'histoire qui a déjà commencé. A-t-il correctement interprété ses songes ? Le doute surgit dans l'esprit d'Adam et le drame s'achève sur une note transcendante de foi.
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Écrit par
- Lorant CZIGANY : professeur à l'université de Londres (Royaume-uni)
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