NAGY IMRE (1896-1958)
Né en Transylvanie hongroise (département de Somogy), Nagy resta très marqué par son origine paysanne et calviniste qui le portait à s'opposer aux grands propriétaires terriens et au cléricalisme catholique dominant. En cela il se distinguait des autres dirigeants communistes hongrois qui provenaient de la bourgeoisie urbaine. Autre trait caractéristique, ses liens avec l'U.R.S.S. où il rallia, à vingt-quatre ans, le communisme en adhérant à la brigade hongroise de l'Armée rouge. Il fait partie du gouvernement révolutionnaire de Bela Kun, puis connaît les prisons du régime Horthy (1927-1930), mais c'est son long séjour en Union soviétique (1930-1944), où il sut se satisfaire des fonctions subalternes de spécialiste de l'agriculture (enseignement supérieur, direction de kolkhoz), qui le marque le plus. Il évite ainsi les purges qui secouent son parti. Une autocritique le lave des soupçons de déviationnisme de droite. Sa modestie, sa fidélité au parti et ses compétences réelles en font un excellent journaliste et un speaker écouté pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1944 et 1945, il est ministre de l'Agriculture en Hongrie. Il attache son nom au partage des terres, qui rencontre, malgré son caractère précipité, un écho favorable dans ce pays largement agraire où le populisme paysan correspond à une forme de sensibilité politique fort répandue. Un an plus tard, ministre de l'Intérieur, il réorganise l'administration locale. Il prône alors avec les tenants du capitalisme d'État (Varga) le respect de la petite propriété agraire en tant que base du développement économique en Europe danubienne. L'engrenage de la guerre froide excluant cette troisième voie, le populaire « oncle Imre » se voit relégué dans la charge tout honorifique de président de l'Assemblée nationale en novembre 1947. En 1948, ce légaliste respectueux de la prééminence de la direction du parti prend position contre la tendance ultra-gauche qui prévaut alors, ainsi que contre l'accélération de la collectivisation. En 1949, il s'oppose au limogeage de Rajk, et est exclu du bureau politique malgré une nouvelle autocritique. Mais, en 1951, les événements ayant confirmé ses prévisions, il retrouve ses fonctions dans le parti. Vice-Premier ministre à la fin de 1952, il obtient le soutien de Malenkov qui oblige le comité central à reconnaître ses responsabilités dans la crise économique de 1952-1953 et à proposer Nagy comme Premier ministre. Il demeure à ce poste de juin 1953 à avril 1955. Malgré la résistance du secrétariat du parti, il se fait le protagoniste d'une nouvelle politique économique (équilibre des grands secteurs, vérité des prix). Partisan sincère d'un dirigisme éclairé, il espère réussir en gagnant le parti à ses thèses. Tout change après la chute de Malenkov. Nagy est alors démis de toutes ses fonctions par Rakosi et Gerö, qui l'excluent du parti (avr. 1956). Cette fois-ci, il refuse et de faire son autocritique et de mener une lutte fractionnelle.
C'est l'émeute étudiante provoquée à Budapest par les événements de Pologne qui le remet en selle ; le 24 octobre 1956, il devient chef du gouvernement. Les mains liées par son accord avec Mikoyan et Souslov, il ne parvient pas à se défaire des politiciens discrédités. La pression de la rue et la malheureuse première intervention militaire de l'U.R.S.S. le poussent cependant à proclamer successivement le retour à la coalition multipartite de 1945, la neutralité diplomatique par la dénonciation du pacte de Varsovie et la nécessité d'élections libres. La deuxième intervention soviétique du 4 novembre 1956 le voit cautionner de fait les conseils révolutionnaires représentés par le colonel Maleter. Réfugié à l'ambassade yougoslave le 4 novembre, il est emmené en Roumanie le 24,[...]
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Écrit par
- Vladimir Claude FISERA : docteur de troisième cycle, diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris, diplômé de l'École nationale des langues orientales, chargé de recherche au C.N.R.S., chargé de conférences à l'École pratique des hautes études
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