INCONSCIENT (notions de base)
De Schopenhauer à Nietzsche
Profondément marqué par Schopenhauer, qu’il était avec Richard Wagner (1813-1883) l’un des rares hommes de la fin du xixe siècle à avoir lu, Friedrich Nietzsche (1844-1900) prolonge les analyses de son premier maître à penser. Il dénonce avec beaucoup de vigueur les illusions du « Moi » dont l’une des origines se situe dans la grammaire. Parce qu’il place un petit « je » devant les verbes énonçant ses actions, l’être humain a la conviction qu’il est à l’origine de ses actes et qu’il est doté d’un libre arbitre tout puissant. Prenant en particulier comme exemple le travail de la pensée, Nietzsche écrit dans Par-delà bien et mal (1886) : « Une pensée se présente quand “elle” veut, et non pas quand “je” veux ; de sorte que c’est falsifier la réalité que de dire : le sujet “je” est la condition du prédicat “pense”. »
L’idée de sujet pensant élaborée par René Descartes (1596-1650) relèverait ainsi d’une « routine grammaticale » qu’on peut rendre également responsable du schéma des philosophes atomistes de l’Antiquité qui supposaient nécessaire l’existence d’une substance solide et stable, l’atome qui, en se combinant avec d’autres substances semblables, engendrerait les transformations visibles que nous observons. Dans cette argumentation, Nietzsche se souvient très certainement de Leibniz qui qualifiait d’« atome intellectuel » les « monades », c’est-à-dire les individus uniques voulus par Dieu quand il créa le « meilleur des mondes possibles », autrement dit la meilleure combinatoire possible entre tous les éléments de l’Univers. Atome matériel et atome spirituel seraient des illusions d’origine grammaticale renforcées par notre ignorance de l’inconscient.
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Philippe GRANAROLO : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires
Classification