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INCONSCIENT (notions de base)

La généalogie de l’inconscient

Afin de décrire les mécanismes de la psychè, partie invisible mais cependant indiscutable de notre être, Freud élabore des topiques qui sont comme des cartes géographiques de la psychè. La première topique distinguera le Conscient, le Préconscient et l’Inconscient. Mais Freud, découvrant que cette classification, qui donne une place centrale à la conscience, privilégie exagérément celle-ci alors que ses objectifs sont à l’opposé, va lui substituer une seconde topique distinguant le Moi, le Surmoi et le Ça. Cette seconde topique présente essentiellement l’intérêt de nous offrir une généalogie de la psychè.

Nous ne venons pas au monde avec un psychisme déjà construit. Avant même que les biologistes démontrent que notre corps et tout particulièrement notre cerveau sont loin d’être achevés quand nous naissons – on parle à ce sujet de « néoténie », mot qui désigne le fait que l’être humain vient au monde en quelque sorte « trop tôt », à l’état de prématuré –, Freud est le premier à insister sur le caractère inachevé de notre psychisme au début de notre existence. En admettant même – ce que Freud contesterait bien entendu – que Descartes ait raison, la « conscience » ne caractérise pas l’enfant nouveau-né. Celui-ci vient au monde doté uniquement d’un Ça, qui représente alors la totalité de sa psychè. Le Ça contient « tout ce que l’être apporte en naissant », et n’a d’autre fonction que de « satisfaire les besoins pulsionnels en se conformant au principe de plaisir » (Nouvelles conférences sur la psychanalyse). Le nouveau-né peut croire en l’existence d’un monde en principe sans résistance, puisque ses désirs primordiaux –  nourriture, chaleur, affection – sont satisfaits aussitôt qu’il les exprime. Il faudra du temps à l’enfant pour comprendre qu’existe en dehors de lui un monde réel qui contrarie ses désirs, un monde réel plus puissant que lui. Comme l’écrit Freud, « une fraction du Ça subit une évolution particulière » et va dès lors « servir d’intermédiaire entre le Ça et l’extérieur ». Si la découverte du réel est douloureuse, puisqu’elle vient me faire comprendre les limites de ma puissance, elle est bien entendu salutaire, car « sans le Moi, le Ça, aspirant aveuglément aux satisfactions des instincts, viendrait impunément se briser contre cette force extérieure plus puissante que lui » (Nouvelles conférences sur la psychanalyse).

Mais si le Moi est la partie du Ça devenue consciente, la plus grande partie non transformée du Ça pourra continuer à ignorer la réalité et à être animée par le seul principe de plaisir. Cette locution désigne tout simplement l’exigence inconditionnelle pour une pulsion d’être satisfaite. On en a retrouvé une ironique expression au cours du mouvement de Mai-68 en France, lorsque les manifestants proclamaient : « Nous voulons tout, tout de suite. » Ce slogan témoignerait d’une fragilité de la troisième instance de la psychè qui s’interpose entre le Moi et le Ça, le Surmoi, et grâce à laquelle l’individu n’est pas envahi en permanence par des désirs auxquels il doit s’opposer. Le Surmoi intériorise les impossibilités et les interdits du monde extérieur afin de censurer la plupart de nos désirs sans que ce barrage nécessite un travail conscient douloureux et chronophage. Si bien que certains sociologues – face à d’autres lectures politiques – ont interprété les slogans de Mai-68 – celui déjà cité ou encore celui qui proclame « il est interdit d’interdire » – comme des symptômes d’un affaiblissement du Surmoi lié à un effacement progressif de la figure paternelle… C’est en effet le Père, dans la théorie freudienne, qui incarne le « principe de réalité » et qui a pour mission de faire comprendre à l’enfant que tout n’est pas possible, tandis que la Mère – nos majuscules signalent qu’il s’agit de[...]

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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