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INCONSCIENT (notions de base)

Les paradoxes de la théorie freudienne

La théorie freudienne contient de nombreux paradoxes, le premier d’entre eux étant le suivant : si toutes nos pensées émanent de l’inconscient, la théorie freudienne elle-même doit avoir une origine inconsciente. Il conviendrait alors de procéder à une « psychanalyse de la psychanalyse », et ainsi de suite à l’infini. D’autres paradoxes sont lisibles dans la conception freudienne du rêve. Freud suppose qu’un « gardien » exige des désirs inavouables du sujet qu’ils se déguisent pour franchir la barrière de la censure. C’est la raison pour laquelle nos rêves seraient cryptés et exigeraient un décodage. « À l’entrée de l’antichambre, dans le salon, veille un gardien qui inspecte chaque tendance psychique, lui impose la censure et l’empêche d’entrer au salon si elle lui déplaît » (Introduction à la psychanalyse). Mais, s’il en est bien ainsi, l’inconscient qui procède à ces métamorphoses est alors plus conscient que le conscient ! C’est précisément ce que reprochera le philosophe Alain (1868-1951) aux conceptions freudiennes. Pour Alain, l’inconscient est une fiction, celle d’un « un autre Moi », « une méprise sur le Moi, une idolâtrie du corps ». Freud appellerait ainsi « inconscient » ce que le dualisme cartésien avait situé dans le corps, et seulement dans le corps. « Ce qui n’est point pensée est corps », affirme Alain, qui sera rejoint par Jean-Paul Sartre (1905-1980). Tous les héritiers de Descartes condamneront au nom du dualisme les théories freudiennes.

Reste que la psychanalyse a prétendu à la scientificité, et que Freud était convaincu que les progrès de la science viendraient confirmer ses hypothèses. Mais cette vérification n’a pas eu lieu et demeure sans doute impossible. Faute d’une telle confirmation, les analystes répètent qu’ils vérifient la validité des théories freudiennes lors de la cure vécue par leurs patients. Mais que peut valoir ce type de « vérification » observée par le seul analyste dans le secret de son cabinet de thérapeute ?

Karl Popper (1902-1994) a montré de façon définitive que la psychanalyse freudienne appartient à l’ensemble des théories « infalsifiables ». Une théorie est scientifique non pas parce qu’elle est vraie – toute théorie finit par être contestée –, mais parce qu’une expérimentation peut un jour nous contraindre à la conclusion que l’hypothèse qu’elle propose est contredite par la réalité observée. Parce qu’elle est à tout jamais « infalsifiable », la théorie freudienne de l’inconscient restera une croyance à laquelle certains pourront continuer à adhérer, sans pour autant jamais entrer dans le cortège des théories scientifiques.

— Philippe GRANAROLO

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Écrit par

  • : professeur agrégé de l'Université, docteur d'État ès lettres, professeur en classes préparatoires

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