MATHER INCREASE (1639-1723)
La première génération de la Nouvelle-Angleterre, celle de John Winthrop, de John Cotton, de Thomas Hooker, avait établi sur le continent américain une « Plantation » où l'on pût vivre conformément aux ordonnances du Seigneur dans Ses Écritures. Née sur le sol américain, la seconde génération eut à consolider et à défendre cet héritage : Increase Mather en fut la figure principale.
Né en 1639, fils de Richard Mather (1596-1669), pasteur de Dorchester, près de Boston, il a douze ans lorsqu'il entre à Harvard, dont il sort bachelier en 1656 et prononce en juin 1657 son premier sermon. Deux mois plus tard, il est sur le bateau à destination du Vieux Monde : après un an passé au collège de la Trinité, à Dublin, il sert comme pasteur dans le Devon, puis comme chapelain de la garnison de Guernesey. Mais la restauration des Stuarts ferme désormais à un puritain convaincu tout espoir de carrière ecclésiastique en Angleterre. En 1661, Increase rentre à Boston. Son père Richard a épousé quelques années auparavant la veuve du grand prédicateur John Cotton dont la fille Maria vit désormais au foyer de son beau-père ; Increase Mather l'épouse en 1662 ; leur fils aîné sera prénommé Cotton. La même année, le synode dit du « Half-Way Covenant » lui offre une première occasion de jouer un rôle public dans les affaires de la Nouvelle-Angleterre. En 1664 il est « appelé » comme pasteur à la Seconde Église de Boston, l'ancienne « Église du Nord », poste qu'il occupera jusqu'à sa mort. La colonie traverse alors une époque de grand désarroi. Le retour des Stuarts l'a placée dans une position délicate. L'Exclusion Act de 1662 a rétabli dans le royaume le privilège exclusif de l'Église anglicane. La Couronne cherche à aligner la colonie — qui, à l'abri de sa charte, a vécu jusqu'ici dans une relative autonomie — sur le droit commun du royaume. Inquiète, la seconde génération se sent de surcroît intimement coupable de n'avoir plus, lui semble-t-il, la ferveur de ses pères et de ne pas être capable d'empêcher la dégradation de leur projet sacré. Ce trouble se traduit, à partir des années 1660, par toute une série de sermons, d'inspiration fortement eschatologique, où les pasteurs, se lamentant sur l'inexorable déclin d'une Plantation que le Seigneur a « abandonnée », annonce sa destruction imminente. Increase Mather porte ce rituel jusqu'au paroxysme dans son sermon de 1674 : The Day of Trouble Is Near. Comme pour accomplir sa prophétie éclate, à l'automne de 1675, la « guerre du roi Philip », l'insurrection indienne qui met la colonie à feu et à sang. Au lendemain de ce désastre, en 1679, un synode est convoqué à l'instigation d'Increase Mather qui en rédige le rapport final où il dresse, du port des perruques à la somnolence pendant le prêche du sabbat en passant par les danses lascives, l'inventaire des « transgressions » qui ont provoqué l'ire du Seigneur. Quand la comète de Halley vient, en août 1682, sonner « l'alarme du Ciel à la terre », Increase Mather lui consacre un ouvrage, la Kometographia (1683), qui oscille entre terreur chiliaste et spéculation scientifique. Mais plus inquiétant encore que la comète est le dossier que l'envoyé de la Couronne, Edward Randolph, est en train d'instruire contre la colonie. En 1684, ce qu'on redoutait tant arrive : la charte de la Nouvelle-Angleterre est abolie ; le commonwealth puritain a cessé d'exister. En 1686 Edmund Andros devient gouverneur royal du nouveau « Dominion de Nouvelle-Angleterre » qui englobe bientôt sous l'autorité directe de Westminster l'ensemble des possessions anglaises, du Maine au Delaware. Il y rétablit la prééminence du culte anglican, envisage de lever des impôts sans consultation, fait peser une menace contre[...]
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Écrit par
- Pierre-Yves PÉTILLON : professeur de littérature américaine à l'université de Paris IV-Sorbonne et à l'École normale supérieure
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