INDE (Arts et culture) L'expansion de l'art indien
Les épigones
Avec la formation d'États constitués, une étape irréversible a donc été franchie. Un fait le prouve : alors que le sanskrit (ou le pāli) demeure la langue littéraire et religieuse, écrite avec son alphabet, apparaissent maintenant des textes en langues vernaculaires : en cam, on trouve le premier écrit d'une langue indonésienne, au ive siècle ; en pyu, probablement à la fin du ve siècle ; en vieux-khmer, en 611 ; en vieux-malais en 683 ; en kawi (vieux-javanais), vers le milieu du viiie siècle, le môn, de son côté, ayant été écrit dès le viie siècle. Désormais, chaque peuple préférera sa langue pour ses textes législatifs, ou même historiques, ce qui est fort révélateur.
Nous avons dû négliger un des termes de cet échange, qui donna lieu à l'indianisation, à savoir la nature des autochtones. Nous l'ignorons, faute de textes. Nul doute pourtant que, pour être capables d'offrir des denrées rares recherchées par les Indiens, et de tirer si vite un si éclatant profit de leurs leçons, il fallait que ces peuples eussent déjà atteint un certain degré d'évolution. On tend même à penser maintenant que ce ne fut que parce que certaines cités indigènes avaient déjà acquis un réel degré de puissance économique que le commerce put s'établir ; ce fut en tout cas certain pour la Birmanie. Les Indiens, finalement, ne furent qu'une minorité, agissante certes ; mais la graine la plus fertile a besoin de terreau pour germer.
On décèle dès l'abord un certain nombre de choix opérés dans l'immense panoplie de l'indianité. Les enseignants indiens étaient eux-mêmes spécialisés du fait de leurs origines diverses. Les toponymes indiens adoptés outre-mer révèlent les nombreuses villes, ou provinces, d'où venaient les navigateurs. On trouve des relations avec le Bengale, le Kalinga, le Telingāna, l'Andhra et le pays Pallava, bien sûr, mais encore avec le nord de l'Inde, Mysore, voire des ports de la côte occidentale : Broach, Sopara, Cranganore. Selon qu'ici ou là abordait un bouddhiste ou un brahmane d'une secte fervente, tel ou tel culte était localement adopté. Mais, hasard ou volonté, il se peut que les États indianisés aient eux-mêmes eu leur mot à dire. Le bouddhisme des Thera s'imposa dès l'origine et perdure toujours en Birmanie et chez les Môns de Thaïlande (à travers ceux-ci, chez les peuples thaïs). Le bouddhisme du Mahāyāna domina à Śrīvijaya et à Java jusqu'au milieu du ixe siècle. En revanche, et bien que le bouddhisme y ait été florissant aux origines, Fou-nan, Champa, l'Empire khmer et les régions centrales et orientales de Java, et enfin Bali seront fondamentalement hindouistes. On peut supposer que les structures sociales particulières de ces diverses contrées aient là joué un rôle. Il est remarquable que nulle part l'Inde n'imposa son système de castes, si ce n'est pour les familles royales et les prêtres. À Bali, où ce système subsiste en partie, les trois castes supérieures ne représentent que quelque 7 p. 100 de la population. Partout ailleurs, les ordres primitifs et avant tout les systèmes de parenté ont subsisté.
Il faut distinguer deux modes ou deux « vitesses » d'indianisation : l'indianisation directe ou indirecte. Ce phénomène procéda de la côte vers l'intérieur. Les premiers indianisés devinrent ainsi facilement des initiateurs pour leurs cousins de l'arrière-pays : c'est par ses catéchumènes que progresse le missionnaire, en un processus de « boule de neige ». Dès lors, des nuances s'interposèrent probablement au cours de cet enseignement au premier puis au second degré. De plus, ces États entretinrent très tôt des échanges entre eux : le fait est établi entre la Birmanie et le Fou-nan ; Śrīvijaya fut un empire maritime, et les Chams apparaissent parfois comme de véritables Vikings.[...]
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Écrit par
- Bernard Philippe GROSLIER : directeur de recherche au C.N.R.S.
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