INDE (Arts et culture) Langues et littératures
La littérature anglophone
La littérature indienne anglophone est née parmi les élites anglicisées du Bengale, berceau de l'occupation étrangère dans le pays. Inscrite dès le départ dans une optique multiculturelle, l'œuvre de Rām Mohan Roy (1772-1833) vise une synthèse entre l'Orient et l'Occident. Depuis le siècle dernier, l'Inde exerce sur l'Europe une puissante fascination à travers les philosophies popularisées par Swami Vivekananda et Śri Aurobindo et grâce à des intellectuels voyageurs, telle Toru Dutt (1856-1877), jeune poétesse à la fois anglophone et francophone qui laisse derrière elle le volume posthume des Ancient Ballads and Legends of Hindustan (1882).
Réalisme et poésie
Avec Mulk Raj Anand (1905-2004), le roman indien puise aux sources du réalisme européen des années 1930. Inspiré par une esthétique marxiste, Anand dénonce l'exploitation sociale fondée sur le système des castes dans Untouchable (1935) et Coolie (1936). Dans son roman philosophique The Serpent and the Rope (Le Serpent et la corde, 1960), Raja Rao (1908-2006) amorce une recherche au carrefour de l'éthique brahmanique, de la tradition européenne du siècle des Lumières et de la spiritualité cathare. Cette œuvre déroutante progresse plus par associations d'idées qu'en suivant une démarche logique. Comme K. S. Venkataramani (1891-1951) avec Kandan the Patriot (1932), Rao évoque dans Kanthapura (1938) l'épopée de Gāndhī et les idéaux de la satyāgraha (non-violence).
Sans doute le plus sophistiqué des écrivains indiens anglophones de la première génération, R. K. Narayan (1906-2001) s'inspire de la grande tradition réaliste britannique. Il fait de la ville de Mysore, dans le Sud, un microcosme de fiction rebaptisé « Malgudi ». Chaque volume nouveau de son œuvre abondante reprend l'examen minutieux de cette communauté variée et pittoresque où les naïfs, souvent oisifs, se laissent berner par les manipulateurs professionnels en tout genre. Dans The Man-Eater of Malgudi(Le Mangeur d'homme, 1961), un imprimeur paisible voit son monde envahi par Vasu, taxidermiste de son état et collectionneur de conquêtes tant féminines que cynégétiques. Dans The Vendor of Sweets (1967), Jagan, grand lecteur de la BhagavadGītā et adepte du Mahātmā Gāndhī, se trouve soudain propulsé dans un monde qu'il préférerait éviter : son bon à rien de fils ramène une femme américaine et un projet insensé de développement d'une machine automatique à écrire des romans. L'œuvre de Narayan abonde en portraits savoureux comme celui du petit garçon qui empoche l'argent destiné par le grand-père religieux à acheter du sucre pour nourrir les fourmis de la terrasse. Dans A Horse and TwoGoats (1970), l'auteur évoque la déconvenue d'un touriste américain qui, découvrant une merveilleuse sculpture au bord du chemin, exhibe ses dollars, pensant l'acheter au vieux berger assis tout près. Ce dernier prend l'argent, imaginant que le Blanc le lui a donné en paiement de ses maigres chèvres. La narration oscille entre chacun des personnages principaux, laissant au lecteur la possibilité de partager chaque point de vue. L'auteur se garde bien d'ajouter un commentaire moralisateur.
Narayan est aussi l'un des adaptateurs en anglais moderne du Mahābhārata et du Rāmāyaṇa, les deux écrits qui fondent la tradition littéraire indienne et qui constituent encore aujourd'hui une source inépuisable de récits oraux et de valeurs de référence pour la société. Narayan sait, à l'occasion, se faire grave, lorsque, dans The Dark Room (Dans la chambre obscure, 1938), il dénonce l'exploitation de la femme par l'homme. Cependant, chez lui, la satire cède rapidement le pas à une observation parfois caustique mais jamais polémique. Narayan aime trop les personnages souvent excentriques[...]
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Écrit par
- Jean-Pierre DURIX : professeur émérite, université de Bourgogne, Dijon
- Jacqueline FILLIOZAT : membre de l'École française d'Extrême-Orient, Paris
- François GROS : agrégé de l'Université, directeur de l'École française d'Extrême-Orient
Classification
Médias
Autres références
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INDE (Arts et culture) - Les mathématiques
- Écrit par Agathe KELLER
- 5 429 mots
- 3 médias
On traitera ici des pratiques et pensées mathématiques qui ont eu cours dans le sous-continent indien – en « Asie du Sud », comme on dit communément dans les pays anglo-saxons –, puisque l’aire géographique concernée couvre tout autant l’Inde que le Pakistan, le Bangladesh, le Bhoutan et l’île de Ceylan...