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INDE (Arts et culture) Le cinéma

Le film musical, le système de studios

Contrairement à d’autres pays (URSS, Japon), l’Inde a très vite accepté le cinéma parlant. L’année 1931 verra l’éclosion des premiers films parlants telugu, bengalī, tamoul, le plus célèbre étant le film musical hindī, Alam Ara d’Ardeshir Irani, considéré comme perdu. Auparavant, les intertitres des films muets étaient traduits en quatre langues pour toucher un large public, parmi ceux qui savaient lire. Avec le parlant, le cinéma indien est de nouveau confronté à la barrière des langues. Problème qui fait que, outre les films en hindī et en tamoul (Bombay, Madras), on dénombre des films en malalāyam (Kerala), en kannaḍa (Karnātaka) ou en telugu (Āndhra Pradesh). Paradoxalement, cet éclatement linguistique va être résorbé par un autre élément, lié lui aussi au parlant (la musique et le chant), qui va rendre le cinéma encore plus populaire, grâce au développement croissant de l’industrie du disque et de la radio. Très vite, la danse deviendra l’espéranto du cinéma indien, et son succès, lié à son érotisme suggestif toléré par la censure, sera tel que le cinéma hindī (Bombay) s’imposera comme le allindia film. En effet, il est possible de comprendre l’histoire que raconte un film (mimiques appuyées, rôles archétypés, formes filmiques démonstratives, situations codifiées et récurrentes) sans connaître la langue. Avec le parlant, ce sont de vrais chanteurs professionnels qui passent devant la caméra. Refroidi par la performance limitée de ces nouveaux acteurs, le cinéma indien institutionnalise en 1935 la pratique du playback singer, toujours utilisée. La star a donc un double visage. Celui qu’on voit sur l’écran (l’acteur, l’actrice) et celui qui se cache derrière : la voix, tout aussi célèbre, de celui ou de celle qui la double lorsqu’elle chante. Si les stars de l’écran sont nombreuses en Inde, perpétuels objets de convoitise d’une presse à scandale, les stars de l’ombre que sont les chanteurs contribuent, grâce au relais du disque et de la radio, à la notoriété des films. En Inde, peu de voix doublent une foule de visages différents. C’est ainsi que Lata Mangeshkar, la plus grande dame du cinéma indien, la plus invisible aussi, surnommée « le rossignol de l’Inde » compte à son actif plus de vingt-cinq mille chansons de film, pour une carrière de plus de soixante ans.

L’essor du film musical (27 films réalisés en Inde en 1931, 83 en 1932, 164 en 1934) va contribuer au rapide développement de l’économie du cinéma basée, comme à Hollywood, sur le système des studios, avec des acteurs et des techniciens sous contrat. Ardeshir Irani, réalisateur d’Alam Ara, fonde en 1927 à Bombay l’Imperial Film Company, spécialisée dans le film musical et le film d’aventures. En 1933, les frères Wadia fondent la Wadia Movietone, réputée pour ses films d’aventures, remakes des grands succès hollywoodiens (Tarzan, Zorro, Robin des bois) et dont le film le plus célèbre, réalisé par Homi Wadia, est DiamondQueen (1940). C’est avec la Wadia que le cinéma indien, très protectionniste, s’habitue à copier ouvertement le cinéma américain tout en y ajoutant des ingrédients – chansons et danses – au goût du public indien. Le Hollywood masala est l’expression imagée pour désigner cette tradition, toujours en vigueur.

Au début des années 1930, trois studios dominent le cinéma indien. Le premier est la New Theatres (Calcutta), fondée en 1930 et qui produira en 1935 Devdas, du prince Barua, ainsi que les films de Debaki Bose, auteur de deux célèbres devotional : Chandidas (1932) et PuranBhakt (The Devotee, 1933). Le deuxième studio est la Bombay Talkies, fondée en 1935 par le réalisateur-producteur Himansu Rai, l’acteur-réalisateur de Karma (1933), célèbre pour sa scène de baiser avec la star Devika Rani, et pour être le scénariste de [...]

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Écrit par

  • : docteure en études cinématographiques et audiovisuelles
  • : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

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