INDE (Arts et culture) Le cinéma
Le retour en force de Bollywood
La lente érosion d’un cinéma indépendant régional, toujours enfermé dans les mêmes sujets (système des castes, condition de la femme) et coulé dans un moule esthétique quelque peu figé à destination des festivals, a provoqué indirectement le retour au premier plan du film musical commercial. Pour cela, Bollywood a dû réagir et changer de formule, afin d’endiguer le succès croissant du cinéma américain (l’Inde demeure toujours le plus important marché qui lui résiste), et de contrer l’émergence de la télévision (180 millions de foyers sont équipés d’un téléviseur). Le problème économique représenté par le piratage (essentiellement à travers les copies de DVD et le streaming) demeure considérable. Malgré l’extrême vitalité de sa production, l’Inde manque d’écrans (seulement six par million d’habitants environ), et voit rapidement disparaître le modèle traditionnel de l’écran unique au profit de chaînes de multiplexes tarifant trois fois plus cher le billet de cinéma. Actuellement, avec 8 000 salles de cinéma, dont environ 2 200 multiplexes (en 2017), 2,2 billions de tickets vendus en 2016 et plus de 20 millions de spectateurs par jour, le cinéma populaire se porte bien.
Avant de redresser la situation, Bollywood a opéré plusieurs changements. Tout d’abord, il a abandonné le film d’action et d’aventure centré sur un héros masculin, dont la star Amitabh Bachchan était l’emblème, pour se tourner vers des histoires de jeunes adultes, selon le modèle américain (Flashdance, ou encore les films avec John Travolta), afin de séduire la jeunesse indienne. Ce basculement a eu pour conséquence de remettre les rôles féminins au premier plan, permettant l’éclosion de nouvelles stars comme Madhuri Dixit, Preity Zinta, Aishwarya Rai, Kareena Kapoor et plus récemment Katrina Kaif et Deepika Padukone. Ensuite, sous l’influence du clip, les scènes musicales, chantées et dansées, sont devenues plus sophistiquées et originales. De plus en plus nettement, les séquences musicales semblent se détacher du film et possèdent une autonomie qui explique leur rapide passage sur des chaînes spécialisées télévisées. Pour les films importants à venir, quelques séquences sont ainsi directement dévoilées en avant-première à la télévision et sur Internet. Enfin, Bollywood s’est mis à l’écoute des problèmes de la société indienne, notamment les conflits religieux entre hindous et musulmans. Mani Ratnam, originaire de Madras, est le meilleur représentant de cette nouvelle tendance, en particulier avec Bombay (1995), qui conte l’amour interdit du fils d’un hindou orthodoxe pour la fille d’un fondamentaliste musulman, et avec Dil Se (1998) où un journaliste radio (la star Shahrukh Khan), en mission dans le nord de l’Inde, s’éprend d’une jeune femme, une terroriste islamiste qui prépare un attentat lors de la cérémonie officielle des cinquante ans de l’indépendance de l’Inde à New Delhi. Depuis, d’autres cinéastes ont poursuivi dans cette veine « réaliste », comme Ashutosh Gowariker avec Lagaan (2001), sur les temps de la colonie britannique, et Swades, nous, le peuple (2004), sur le retour au pays d’un riche exilé en provenance des États-Unis. Souvent, à l’image de Swades, hymne nationaliste, ou de Veer-Zeera(2004) de Yash Chopra, sur le conflit avec le Pakistan, les films proposent une vision édifiante de la réalité, au diapason du discours gouvernemental dont ce cinéma constitue le plus puissant vecteur. Dans ce contexte, le magnifique Devdas (2002) de Sanjay Leela Bhansali, énième adaptation du grand classique de la littérature amoureuse indienne, constitue une exception, bien isolée, le cinéaste se réclamant des œuvres de Guru Dutt et des fastes du splendide Mughal-e-Azam (1960) de K. Asif. Pendant ce temps, le cinéma de la diaspora réagit à sa manière en affrontant[...]
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Écrit par
- Amandine D'AZEVEDO : docteure en études cinématographiques et audiovisuelles
- Charles TESSON : critique de cinéma, maître de conférences en histoire et esthétique de cinéma, université de Paris-III-Sorbonne nouvelle
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Autres références
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INDE (Arts et culture) - Les mathématiques
- Écrit par Agathe KELLER
- 5 429 mots
- 3 médias
On traitera ici des pratiques et pensées mathématiques qui ont eu cours dans le sous-continent indien – en « Asie du Sud », comme on dit communément dans les pays anglo-saxons –, puisque l’aire géographique concernée couvre tout autant l’Inde que le Pakistan, le Bangladesh, le Bhoutan et l’île de Ceylan...