INDE (Arts et culture) Les sciences
Les mathématiques
Après avoir fait l'objet de controverses passionnées, l'originalité des mathématiques indiennes et la dette de l'Occident à l'égard de l'Inde ont été reconnues, assez tardivement et seulement depuis les années 1910. Certes, comme on l'a signalé, l'Inde a emprunté à la Grèce presque tout de l'astronomie. Mais nous devons reconnaître que les idées scientifiques ont cheminé en sens inverse dans le domaine des mathématiques proprement dites. Par l'intermédiaire des savants arabes présents en Inde dès le viiie siècle, la conquête musulmane du Sind datant de 712, l'Occident reçut de l'Inde deux acquisitions capitales, qui sont le système décimal (avec la notion de zéro) et la trigonométrie. La numérotation décimale fut incontestablement diffusée par l'Inde, soit qu'elle y ait été inventée, soit que ce pays ait servi de relais entre l'Égypte ou la Mésopotamie et nous. La description la plus ancienne actuellement connue du système décimal à valeur de position est celle d' Āryabhaṭa (Gaṇitapāda, 2). Cependant, la notation alphabétique dont on a parlé plus haut, chez Āryabhaṭa, ne servait pas pour la calcul mais pour l'énoncé concis des tables astronomiques. Les textes sanskrits ne nous renseignent pas sur la façon dont, concrètement, on écrivait les chiffres au cours des opérations de calcul. Les chiffres dits arabes, tels que nous les employons, sont considérés par les Arabes comme indiens d'origine. Mais le premier témoignage concret sur l'emploi de ces chiffres dans une opération arithmétique nous est transmis par un traité d' al-Khwārizmī, probablement écrit à Bagdad au début du ixe siècle, dont nous ne possédons plus que des traductions latines faites au xiie siècle. Al-Khwārizmī s'inscrit dans la tradition des « Sindhind » – traductions arabes de siddhānta sanskrits dont nous avons parlé – et son témoignage formel sur l'origine indienne des symboles numériques (pour les entiers et les fractions) est confirmé par un ensemble de textes d'arithmétique plus récents intitulés al-ḥisāb al-hindī (« calculs indiens ») par leurs auteurs arabes.
Il en est de même en trigonométrie. Les historiens sont aujourd'hui conduits à conclure que la notion de sinus fut une invention indienne. Ptolémée (iie s.) n'employait pas les sinus, mais les cordes des arcs. Nous avons déjà dit comment Āryabhaṭa, repris par Varāhamihira puis par Brahmagupta avec des bases (ou valeurs de R) différentes, construisait une table des sinus en minutes d'arc de cercle (valeurs de R . sin α). Les mêmes auteurs enseignaient diverses formules pour calculer la valeur approchée de R . sin α. L'une des percées scientifiques ultérieures fut la découverte par Bhāskara au xiie siècle de la règle d'addition des sinus, ainsi formulée dans le Siddhāntaśiromaṇi (Jyotpatti, 21) : « Les sinus de deux arcs donnés sont multipliés l'un par le cosinus de l'autre et chaque produit est divisé par le rayon ; la somme des quotients est le sinus de la somme des arcs, et leur différence est le sinus de leur différence. » Soit :
La trigonométrie indienne ne s'est pas seulement transmise aux astronomes arabes. Un sinologue (C. Cullen) a récemment montré que le moine bouddhiste I-hsing, en 724, dans la Chine des T'ang, avait utilisé la table indienne des sinus à base 3438, qui était reproduite dans le Chiu-chih li (déjà mentionné), la convertissant en table des tangentes pour analyser les mesures de l'ombre du soleil à midi sur le gnomon effectuées en divers points du territoire chinois, dans le cadre d'une vaste enquête astronomique, et pour construire une table de longueurs des ombres, antérieure d'un siècle à celles que produiront les astronomes musulmans.[...]La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Francis ZIMMERMANN : agrégé de philosophie, docteur ès lettres, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (anthropologie et histoire des sciences dans le monde indien)
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- Écrit par Agathe KELLER
- 5 429 mots
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On traitera ici des pratiques et pensées mathématiques qui ont eu cours dans le sous-continent indien – en « Asie du Sud », comme on dit communément dans les pays anglo-saxons –, puisque l’aire géographique concernée couvre tout autant l’Inde que le Pakistan, le Bangladesh, le Bhoutan et l’île de Ceylan...