INDE (Arts et culture) Les sciences
Logique et physique
La physique dans l'Inde classique se réduisait aux théories philosophiques de l'école du Vaiśeṣika sur la structure atomique des cinq éléments : terre-eau-feu-vent-éther, les atomes et la causalité. La littérature musicale contient une étude des harmoniques. Mais la physique ne semble pas s'être constituée comme science. Formulé au départ dans des textes distincts, le Vaiśeṣika ou « système des discriminations » de la réalité tendit à fusionner avec le Nyāya, la « logique ». L'étude de cette tradition dite du Nyāya-Vaiśeṣika relève plutôt de la philosophie que de l'histoire des sciences. Elle constitue néanmoins le cadre conceptuel dans lequel s'est développée une véritable science de la logique formelle. La logique hindoue connaît aujourd'hui une vogue inattendue en Occident, pour au moins deux raisons. D'une part, la question des modalités du jugement – souvent ni vrai ni faux mais probable ou douteux, impératif ou optatif – et la question des rapports entre la logique et la grammaire, qui intéressent particulièrement les logiciens contemporains, sont abondamment discutées dans les textes sanskrits. D'autre part, l'essor des recherches historiques sur la logique ancienne en latin et en grec bénéficie aux études sanskrites et suscite un nouvel intérêt pour la « variété indienne » (I. M. Bochenski) de la logique.
L'histoire de la logique indienne se divise en deux périodes. De ses débuts dans les Nyāyasūtra, « Aphorismes sur la logique » (iie s. apr. J.-C.), jusqu'au xive siècle, l'ancienne tradition du Nyāya fit fleurir une immense littérature où l'étude formelle des propositions et du raisonnement conclusif, associée à la physique purement spéculative du Vaiśeṣika, était engloblée dans la métaphysique et la théorie de la connaissance. Mais une autre tendance se fit jour, qui était d'éliminer du Nyāya les questions relevant de la philosophie générale ou de la religion pour ne produire plus que des livres de logique pure, des « traités de raisonnement » (tarkaśāstra). Une autre époque s'ouvre donc au xive siècle inaugurée par le Tattvacintāmaṇi, monumental traité de logique formelle de Gaṅgeśa, le fondateur du Navyanyāya, « La Nouvelle Logique ».
Le manuel de logique partout utilisé en Inde dans les collèges sanskrits à l'époque moderne est le Tarkasaṅgraha, « Compendium des raisonnements » ou « des topiques », composé au xviie siècle par Annaṃbhaṭṭa. Il enseigne deux formes traditionnelles d'« inférence » (anumāna), où les Européens croient retrouver les uns une variante du syllogisme d'Aristote, les autres une forme canonique du raisonnement par induction de John Stuart Mill. La traduction suivante vise à donner aux mots importants leur sens technique : « Il y a deux sortes d'inférences, enseigne Annaṃbhaṭṭa (Anumāna, 2), une pour soi et une pour autrui. La première est preuve d'une conclusion qu'on tire pour soi-même. Ainsi, des observations répétées, dans la cuisine ou ailleurs, m'ont fait connaître une loi de concomitance : “Partout où il y a de la fumée, il y a du feu.” Je vais sur la colline, je veux éclaircir un doute sur la présence ou non d'un feu là-bas, j'aperçois de la fumée et je me souviens de la loi de concomitance : “Partout où il y a de la fumée, il y a du feu” [prémisse majeure]. Il s'ensuit alors une prise de conscience : “Il y a de la fumée sur cette colline, et pas de fumée sans feu” ; c'est ce qu'on appelle l'aperception du moyen terme[prémisse mineure]. D'où s'ensuit une nouvelle prise de conscience, la conclusion : “Il y a du feu sur la colline.” » Ce syllogisme présente une dissymétrie des prémisses tout à fait comparable à celle[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Francis ZIMMERMANN : agrégé de philosophie, docteur ès lettres, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (anthropologie et histoire des sciences dans le monde indien)
Classification
Médias
Autres références
-
INDE (Arts et culture) - Les mathématiques
- Écrit par Agathe KELLER
- 5 429 mots
- 3 médias
On traitera ici des pratiques et pensées mathématiques qui ont eu cours dans le sous-continent indien – en « Asie du Sud », comme on dit communément dans les pays anglo-saxons –, puisque l’aire géographique concernée couvre tout autant l’Inde que le Pakistan, le Bangladesh, le Bhoutan et l’île de Ceylan...