INDE (Arts et culture) Les sciences
Chimie et sciences naturelles
Les sciences naturelles sont infiniment moins développées que la médecine dans l'Inde traditionnelle. Il est vrai que, réciproquement, la science que nous avons pris l'habitude d'appeler médecine et qui se nomme Āyurveda en sanskrit, la « science de longévité », déborde le cadre d'une simple doctrine thérapeutique et englobe toutes les sciences naturelles, la nature offrant à l'homme une immense pharmacie puisque l'on peut tirer des substances médicinales de toutes sortes d'animaux, de végétaux, de minéraux. Cependant, il faut remarquer que la nature n'a jamais été étudiée pour elle-même, mais seulement dans ses aspects pratiques et dans ses effets sur l'homme, son utilité ou ses dangers pour la collectivité humaine. Ainsi, la zoologie est inexistante, mais nous avons en sanskrit de copieux traités d'art vétérinaire, où la doctrine de l'Āyurveda s'applique aux chevaux et aux éléphants. Il n'y a pas de botanique ni de géologie à proprement parler, mais une agriculture et des lapidaires (car l'Inde antique était un grand marché de pierres précieuses).
L'attitude naturelle au pandit, ou savant indien, est de collectionner les noms de toute chose, les synonymes ou périphrases qui la font connaître et les adjectifs qui connotent ses propriétés. Expliquer une notion, c'est énoncer tous les mots qui en cernent le sens. Les saṃhitā, les « collections » scientifiques et principalement les grands traités de médecine et d'astrologie, sont surchargées d'interminables listes de noms de plantes et autres réalités naturelles, ou de signes fastes et néfastes que le praticien cochera mentalement au cours d'une activité de diagnostic ou de pronostic. Dans certains domaines fondamentaux des sciences naturelles comme la zoologie et la botanique, il n'existait, jusqu'au xie ou xiie siècle (date des premiers commentaires spécialisés), aucune autre source documentaire que des dictionnaires particulièrement conçus à l'usage des médecins ou des dictionnaires plus généraux composés, dit-on, « à l'usage des poètes » et qui résument l'ensemble des connaissances traditionnelles sur les dieux, la nature et l'homme. Les premiers appelés nighaṇṭu, « dictionnaires de matière médicale », donnent pour chaque être vivant recensé ses noms et synonymes, des indications succinctes permettant de l'identifier sur le terrain (en forêt par exemple) et ses propriétés thérapeutiques, toujours sous la forme de séries de mots versifiées. Le modèle de ces dictionnaires médicaux est le Dhanvantarinighaṇṭu, dont le noyau plus ancien date peut-être du ive siècle de notre ère, mais qui fut fixé dans son contenu actuel au xiie siècle. L'autre catégorie de dictionnaires est celle des abhidhānakośa, « trésors de noms », tantôt synonymiques tantôt homonymiques. Le modèle de ces dictionnaires est l'Amarakośa, « Trésor d'Amara », composé par Amarasiṃha (ive s. apr. J.-C.), dont l'étude et la récitation par cœur marquent (encore aujourd'hui dans les milieux traditionnels) le début de tout bonne éducation sanskrite. Dans sa partie synonymique, les mots sont groupés par thèmes, et la table des matières reproduit à peu près l'ordre du trailokya, l'ensemble des « trois mondes » régis par la loi du dharma, l'ordre social et cosmique selon le brahmanisme. Livre I : les mondes céleste et infernal, les dieux et les démons, les serpents, les eaux (liées au monde souterrain), le catalogue des lotus et des poissons. Livre II : la Terre, qui fait l'objet d'une taxinomie en dix sections, la terre en général (définition géographique de l'Inde comme centre du monde aryen), la ville (autrement dit, l'espace habité), la montagne (l'espace sauvage), et, dans[...]
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Écrit par
- Francis ZIMMERMANN : agrégé de philosophie, docteur ès lettres, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales (anthropologie et histoire des sciences dans le monde indien)
Classification
Médias
Autres références
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INDE (Arts et culture) - Les mathématiques
- Écrit par Agathe KELLER
- 5 429 mots
- 3 médias
On traitera ici des pratiques et pensées mathématiques qui ont eu cours dans le sous-continent indien – en « Asie du Sud », comme on dit communément dans les pays anglo-saxons –, puisque l’aire géographique concernée couvre tout autant l’Inde que le Pakistan, le Bangladesh, le Bhoutan et l’île de Ceylan...