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INDIANA (G. Sand) Fiche de lecture

Roman romantique, roman critique

Pierre Barbéris, dans son Balzac et le mal du siècle (1970), est loin d'accorder à George Sand la place qui lui revient dans cette « école du désenchantement » ouverte par La Peau de chagrin (1831). Pourtant, Indiana est l'un des romans qui analyse le plus lucidement l'état d'esprit de la génération de 1830, de cette jeunesse partagée entre un « passé à jamais détruit » et un avenir incertain, que décrira Alfred de Musset dans La Confession d'un enfant du siècle(1836). Comme Balzac, George Sand choisit la fiction et l'histoire privée pour dire l'exclusion de l'individu de la scène historique. C'est à Bordeaux qu'Indiana, de retour clandestinement de l'île Bourbon, « vit » la révolution de juillet 1830, et ne peut que s'en absenter : « Dans toute cette révolution, un seul fait l'intéressait personnellement ; dans toute la France, elle ne connaissait qu'un seul homme. Elle tomba évanouie sur le pavé, et ne recouvra la connaissance que dans un hôpital, au bout de quelques jours. » De même, George Sand ne sacrifie à l'exotisme que pour révéler, en contrepoint, la misère humaine, voire « les misères sociales » : « Il faut que, par un monstrueux contraste, j'amène dans ces lieux enchantés des cœurs brisés, tristes débris que la société, trop pleine, rejette comme son écume et envoie mourir au désert. » Mais le commentaire se voit supprimé des éditions postérieures à 1832. Car ce « roman de jeunesse », George Sand l'a abondamment revu. Par la suppression, notamment, de nombreuses interventions du narrateur qui entravaient l'identification du lecteur à l'héroïne, à laquelle elle refuse pourtant qu'on l'assimile, George Sand a fait d'Indiana un être à la fois aliéné, délibérément servile à sa passion, et capable de révolte consciente. Curieusement, les personnages du roman semblent s'affranchir de leur créateur, au fil du roman et des variantes ; et ce trouble de l'identification romanesque est bien le fruit d'un travail minutieux de la romancière. Ainsi, le personnage de Ralph, objet d'un portrait ironique au début du roman – « capable, sinon de faire tourner une tête romanesque, du moins de satisfaire la vanité d'une tête positive » –, ne cesse de gagner en mystère et en grandeur, au rythme de l'évolution psychologique d'Indiana, dont le lecteur est à la fois solidaire et nécessairement distant, du fait des interventions critiques du narrateur. De même, le récit propose plusieurs fils romanesques, parfois trompeurs, souvent étrangement tissés, comme ce contraste entre les descriptions somptueuses de l'île Bourbon, à la manière de Chateaubriand, et celle d'un hôtel garni dans le Paris balzacien de la pension Vauquer. L'odieux mari pourra bien dire à Indiana : « Taisez-vous, sotte et impertinente créature ; vos phrases de roman nous ennuient », c'est un roman nouveau, étonnamment libre et grave à la fois, que George Sand inaugure en 1832.

— Anouchka VASAK

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Écrit par

  • : ancienne élève de l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses, maître de conférences à l'université de Poitiers

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Média

George Sand - crédits : A. Dagli Orti/ De Agostini/ Getty Images

George Sand

Autres références

  • SAND GEORGE (1804-1876)

    • Écrit par
    • 3 521 mots
    • 2 médias
    Le nom de plume, George Sand, s’invente avec le premier roman qu’elle écrit seule,Indiana (1832). La critique s’est beaucoup penchée sur la connotation masculine du nom, renvoyant aux exigences du champ littéraire et de la société, ainsi qu’à la construction complexe de l’identité de l’auteure....