GANDHI INDIRA (1917-1984)
« Si je meurs aujourd'hui, chaque goutte de mon sang fortifiera la nation. » Pressentiment ? Affirmation que rien, pas même le crime, ne saurait la détourner de ce qu'elle concevait comme une mission politique ? Quelles qu'en aient été les raisons profondes, cette phrase prononcée en public par Indira Gandhi la veille même de son assassinat, le 31 octobre 1984, illustre parfaitement l'état d'esprit qui l'habitait quand est morte celle qu'une partie de son peuple avait pris l'habitude d'appeler « la mère de l'Inde ». Sa fin tragique lui conféra d'un coup la densité d'un personnage de légende. Aurait-elle disparu en 1977, au lendemain de la plus cinglante des défaites électorales du parti du Congrès, qu'Indira Gandhi aurait sans doute eu plus de difficultés à se faire admettre au panthéon des plus grands. Son assassinat lui a, en un sens, ouvert les portes de l'histoire. Cela même n'est pas totalement immérité.
L'ascension politique
Indira Gandhi est née le 19 novembre 1917 dans une Inde où commence à résonner le mot swaraj (indépendance). La maison familiale est le cœur du mouvement nationaliste, en raison du rôle qu'y jouait Motilal Nehru, le grand-père, riche avocat issu d'une famille brahmane originaire du Cachemire, et Jawaharlal Nehru, le père, futur Premier ministre de l'Inde indépendante. À quatre ans, Indira Gandhi connaît, comme elle le dit elle-même, son premier « baptême du feu politique » en rendant visite à son grand-père emprisonné dans l'une des geôles de la ville d'Allahabad. En 1942, elle séjourne elle-même en prison durant treize mois. Maison fouillée, père inquiété, propos ou écrits censurés : même exempte de soucis matériels, une telle jeunesse ne s'oublie pas. Plus tard, Indira Gandhi le soulignera d'ailleurs à plusieurs reprises. Avec elle disparaît la dernière génération des hauts dirigeants politiques indiens qui ont directement connu l'expérience de la lutte anticolonialiste ou, comme on dit également en Inde, anti-impérialiste...
Éduquée avant tout aux sources mêmes du mouvement d'indépendance indien et de son outil essentiel, le parti du Congrès, Indira Gandhi n'en a pas moins la chance de poursuivre des études à Genève et à Oxford. C'est d'ailleurs dans cette dernière ville qu'elle rencontre Feroze Gandhi, jeune étudiant parsi qu'elle épouse à son retour en Inde en 1942. Cette « mésalliance » entre une jeune femme hindoue et un parsi lui fut par la suite reprochée par certains prêtres rétrogrades qui allèrent jusqu'à lui interdire l'entrée de temples sacrés lorsqu'elle devint Premier ministre. De ce mariage, Indira Gandhi eut deux fils, Rajiv, né en 1944, et Sanjay, né en 1946. Sa vie familiale fut marquée par deux deuils : elle perdit Feroze en 1960 et Sanjay en 1980.
À partir de 1947, année de l'indépendance de l'Inde, Indira Gandhi assiste son père dans toutes ses tâches de Premier ministre. Dans les archives du Foreign Office, on trouve trace de notes attestant que, lors de la conférence panasiatique de New Delhi en 1947, les diplomates britanniques commençaient déjà à s'intéresser aux opinions politiques de la jeune femme. Autant dire que l'importance de son rôle est perçue très tôt par les observateurs politiques. Ces années passées auprès du premier dirigeant de l'Inde auront par la suite valeur d'apprentissage politique incomparable. En effet, Nehru tient à ce que sa fille l'accompagne dans tous ses principaux déplacements à l'étranger ou lors des conversations « au sommet » qui se déroulent dans la capitale indienne. Dans le même temps, il l'introduit dans les milieux politiques indiens. Indira Gandhi, qui a adhéré au parti du Congrès en 1938, parcourt déjà le pays lors des premières élections législatives de 1952.[...]
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Écrit par
- Max ZINS : docteur d'État ès sciences politiques, chargé de recherches au C.N.R.S. (Centre d'études et de recherches internationales)
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