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INDO-EUROPÉEN

Les langues de départ

Pour l'essentiel la méthode comparative se propose de mettre en lumière les traits communs à deux ou plusieurs langues. Lorsqu'il s'agit de caractères attribuables à une origine commune, on donne à ce genre d'études le nom de grammaire comparée et aux langues étudiées celui de famille. C'est ainsi qu'on distingue une famille indo-européenne, une famille sémitique, une famille finno-ougrienne, etc. On peut également par une sorte de projection dans le passé reconstruire la protolangue, c'est-à-dire la langue, non attestée directement par des témoignages écrits, mais dont l'existence est postulée par un ensemble de concordances de structure dont l'importance et la précision excluent le hasard comme principe d'explication. Dans ce cas, on parlera respectivement de proto-indo-européen, de proto-sémitique, etc., pour désigner cette protolangue. La méthode est donc fondée sur l'existence simultanée de traits identiques ou parallèles dans plusieurs langues ; c'est ce qu'on appelle la reconstruction externe. À l'inverse, la reconstruction interne permet, dans une mesure limitée, de remonter d'une structure linguistique donnée à une structure plus ancienne, par le simple examen du système d'une langue et sans recourir ni à des sources littéraires, épigraphiques ou autres, ni à d'autres langues apparentées ou non.

La valeur probante d'une concordance dépend de la probabilité d'une explication par le hasard. Le calcul précis de l'incidence de ce dernier facteur supposerait un long développement. En bref, il apparaît que le rôle du hasard s'amenuise très rapidement lorsque croît le nombre de concordances. De même, lorsque ces concordances se retrouvent dans trois langues d'une même famille linguistique, elles acquièrent beaucoup plus de poids que si elles n'apparaissent que dans deux langues seulement. Si ces trois langues sont, de surcroît, éloignées géographiquement, on obtient une quasi-certitude que les concordances envisagées sont anciennes et, s'il s'agit de langues apparentées génétiquement, qu'elles peuvent être attribuées à la protolangue.

La reconstruction de la langue-mère dépend donc exclusivement des caractères anciens conservés en commun par deux ou plusieurs des langues-filles envisagées par la comparaison. Ce point est d'importance dans le cas des langues indo-européennes et cela pour deux motifs : la reconstruction est liée directement aux caractères des langues englobées au départ dans la comparaison ; les découvertes ultérieures de langues indo-européennes inconnues jusqu'alors provoquent une remise en question de certains résultats.

Lorsque le fondateur de la grammaire comparée des langues indo-européennes, Franz Bopp, publia en 1816 son premier ouvrage de linguistique, livre qui peut être considéré comme l'acte de fondation de cette nouvelle discipline, il fondait ses comparaisons du système de conjugaison sur cinq langues indo-européennes appartenant à des groupes différents : le sanskrit, le grec, le latin, le persan et le gotique. Dix-sept ans plus tard, le même auteur entreprend la publication d'une volumineuse grammaire comparée dans laquelle il utilise en outre le lituanien, l'avestique et l'allemand. Dans la seconde édition de cet ouvrage, vers le milieu du xixe siècle, la comparaison porte en plus sur le vieux slave et l' arménien, langue considérée comme une langue iranienne par suite d'une erreur de perspective que Heinrich Hübschmann corrigea seulement en 1897. À la suite de R. Prichard et de A. Pictet, Bopp avait, dès 1838, rattaché également les langues celtiques à la famille indo-européenne, mais les rapprochements tentés restent timides ou incertains. Les langues celtiques, de même d'ailleurs que l' albanais, n'apparaissent que très sporadiquement[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie et lettres, professeur ordinaire à l'université de Louvain

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