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INDO-EUROPÉEN

Les difficultés dues aux langues celtiques

Le sort des langues celtiques dans les reconstructions des indo-européanistes mérite qu'on s'y arrête. Pour des raisons historiques, les langues celtiques suscitèrent relativement peu d'intérêt au cours du xixe siècle : les chercheurs qui s'y consacrèrent n'étaient guère nombreux et leur dispersion dans plusieurs pays n'était pas faite pour favoriser les contacts. Il faut attendre 1870 pour que soit fondée à Paris par H. Gaidoz la Revue celtique continuée aujourd'hui par les Études celtiques. Cette revue permet enfin aux savants de rassembler en un recueil l'essentiel de leur documentation. Comparées à d'autres langues indo-européennes attestées depuis une époque très ancienne, telles que le sanskrit védique, le latin, le grec ancien, les langues celtiques, exception faite du gaulois, du lépontique et du celtibère, mal connus d'ailleurs, ne sont accessibles qu'assez tardivement et manifestent une forte influence latine qui apparaît clairement dans le lexique des langues brittoniques. Enfin, les langues celtiques montrent plusieurs particularités linguistiques déroutantes pour le comparatiste bien que chacune d'entre elles se retrouve dans au moins une autre langue indo-européenne.

Le celtique présente, avec les langues italiques et les langues germaniques, plusieurs éléments lexicaux et quelques traits morphologiques en commun. On peut mentionner l'existence dans ces trois groupes de langues d'un suffixe abstrait *-tūt (i)- (par exemple dans latin iuuentus, vieil irlandais óetiu), ou la présence en italique et en celtique du même suffixe du superlatif (latin -(i)sumus, celtique *-(i) samos), mais surtout la même caractéristique *(l'astérisque indique qu'il s'agit d'une forme reconstruite non attestée historiquement) du génitif singulier des thèmes en *-o-. Ce même élément morphologique se retrouve aussi en messapien, avec la même fonction. Bien que son origine puisse être découverte dans la protolangue, ce caractère constitue une originalité de ces langues indo-européennes occidentales. Dans les correspondances lexicales, on retiendra des formes telles que latin caecus, vieil irlandais cáech, gotique haihs, « aveugle », et latin uērus, vieil irlandais fír, vieux haut allemand wār, « vrai ». Ces rapprochements, que l'on pourrait aisément multiplier, s'expliquent par une longue période de vie côte à côte des peuples parlant des langues celtiques, italiques et germaniques.

Les langues celtiques offrent, avec les langues indo-iraniennes, quelques traits morphologiques communs, tels que l'existence d'un suffixe *-sr- utilisé dans la formation des formes féminines des noms de nombre pour « trois » et « quatre » : indo-européen *tisres, *ketesres, en sanskrit tisrás, cátasras, en vieil irlandais teoir, cetheoir, gallois teir, pedeir, ou la formation du féminin en *-nī, ainsi en sanskrit rāj-ñī, vieil irlandais rīgain, « reine ». Ces caractères, et d'autres semblables, appartenant à des langues parlées sur le pourtour du domaine indo-européen sont interprétés généralement comme étant d'anciennes tournures conservées à la périphérie et remplacées au centre par de nouvelles expressions.

Enfin, les langues celtiques présentent quelques traits anciens, dont des parallèles se retrouvent dans diverses autres langues indo-européennes, tels que les noms de parenté vieil irlandais : athir, « père », máthir, « mère », bráthir, « frère », siur, « sœur », mais surtout des mots tels que vieil irlandais , génitif don, « pays », en regard du grec ancien χθ́ων, génitif χθον́ος, ou l'isoglosse vieil irlandais allas, « sueur », hittite allaniganzi, « ils transpirent », ou, dans le domaine de la morphologie, les formes verbales[...]

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Écrit par

  • : docteur en philosophie et lettres, professeur ordinaire à l'université de Louvain

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