- 1. Premiers travaux
- 2. Les langues de départ
- 3. Les difficultés dues aux langues celtiques
- 4. Saussure et la théorie laryngaliste
- 5. Le tokharien et le hittite
- 6. Phonétique et phonologie
- 7. Principaux caractères morphologiques et syntaxiques
- 8. Nouveaux procédés d'analyse et de comparaison
- 9. Bibliographie
INDO-EUROPÉEN
Le tokharien et le hittite
Les grands travaux de base étaient déjà écrits lorsque, coup sur coup, à la fin du xixe siècle et au début du xxe, furent découvertes, déchiffrées et interprétées deux nouvelles langues de cette famille linguistique : le tokharien et le hittite. Ces langues allaient renouveler les connaissances de la protolangue et éclairer sur une foule de détails restés jusqu'alors dans l'ombre.
Le tokharien, la première déchiffrée de ces deux langues, est également la plus récente. Il s'agit d'une langue indo-européenne parlée jusque dans la seconde moitié du premier millénaire après J.-C. et dont une mission prussienne et une mission française ont retrouvé, dans le Turkestan chinois, de nombreux documents écrits en un syllabaire d'origine indienne. Ces textes, dont beaucoup de bilingues tokhariens-sanskrits facilitèrent le déchiffrement, sont constitués pour une bonne part de traductions de textes religieux bouddhiques. Cette langue, parlée sous deux variétés, appelées dialecte A et dialecte B, est aujourd'hui éteinte. Elle fut remplacée à une date inconnue par l'ouïgour, langue qui est utilisée de nos jours encore dans cette région.
Si le caractère indo-européen du tokharien fut démontré de manière irréfutable dès 1908, il fallut cependant attendre 1921 pour que E. Sieg et W. Siegling publient, en général sans traduction et sans lexique, les textes en dialecte A, tandis que ce ne fut qu'en 1933 que S. Lévi édita, avec un lexique très détaillé, les textes en dialecte B. Du point de vue de l'indo-européen, les dialectes tokhariens présentent deux paradoxes. Tout d'abord, ils sont connus par des textes de date relativement récente, mais attestent quelques-uns des traits les plus archaïques de l'indo-européen bien que la physionomie générale des mots ait été profondément modifiée par la fixation d'un accent tonique sur l'avant-dernière syllabe du mot indo-européen. En second lieu, on divisait traditionnellement les langues indo-européennes en langues centum et langues satem, d'après la forme que prenait le mot « cent » dans les différentes langues, les langues centum étant localisées géographiquement à l'ouest, les autres à l'est. Or les dialectes tokhariens étaient parlés à l'extrême est du territoire indo-européen bien qu'étant une langue centum.
Une des particularités remarquables du tokharien consiste à confondre en une série de sourdes les occlusives sourdes, sonores et sonores aspirées de l'indo-européen. Cette confusion a dû se faire au moins en deux étapes puisque ces dialectes conservent des traces d'une distinction ancienne entre les non-aspirées et les aspirées. Dans bien des cas, le témoignage du tokharien permet d'assurer certaines reconstructions ou d'en proposer de nouvelles. Ainsi, on connaissait en vieux slave un suffixe -ynja, utilisé pour la formation d'abstraits d'adjectifs, l'équivalent lituanien -une n'autorisait pas à poser la forme comme indo-européenne, le témoignage du tokharien -une est décisif. Un autre rapprochement significatif est celui du vieux slave reka, rešti, « dire », rečǐ, « mot », et du tokharien A rake, B reki, « mot ».
Le déchiffrement du hittite ne prit qu'une dizaine d'années grâce aux textes bilingues hittites- akkadiens. Des archéologues allemands trouvèrent en 1906 à Boǧazköy (Anatolie centrale) un grand nombre de tablettes cunéiformes écrites en plusieurs langues dont trois sont indo-européennes, le nésite, le louvite et le palaïte. L'immense majorité des textes hittites sont en dialecte nésite.
Les langues indo-européennes d'Anatolie ancienne offrent deux caractères apparemment contradictoires. D'une part, elles présentent de manière vivante des traits qui, conservés ailleurs, ne le sont[...]
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Écrit par
- Guy JUCQUOIS : docteur en philosophie et lettres, professeur ordinaire à l'université de Louvain
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