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INDO-EUROPÉENS (archéologie)

À partir du début du xixe siècle, la plupart des linguistes ont expliqué les ressemblances entre les différentes langues indo-européennes par l'existence d'une langue unique préhistorique (Ursprache en allemand), existence qui impliquait elle-même la présence d'un peuple la parlant à l'origine (Urvolk), peuple vivant dans une région particulière, son berceau originel (Urheimat). Dès lors, l'identification de ce peuple et de son berceau devient la tâche de l'archéologie, même si cette discipline ne commence vraiment à se développer que dans la seconde moitié du xixe siècle. En deux siècles d'études indo-européennes, d'innombrables travaux ont été consacrés à l'identification de ce peuple et de son berceau. Il fallait pour cela faire coïncider, d'une part, les données de civilisation que l'on pouvait extraire des textes les plus anciens (ce que l'on a appelé la « paléontologie linguistique »), et, d'autre part, les données de l'archéologie, voire de l'anthropologie physique. Malgré la diversité des hypothèses, l'histoire de ces travaux peut se lire comme le rapatriement progressif de la patrie originelle supposée depuis l'Inde vers l'Europe, d'abord orientale, puis finalement germanique. Plus précisément, trois régions principales ont été évoquées de manière récurrente : l'Asie, l'Europe des steppes et la Scandinavie. Les difficultés que posent chacune de ces trois hypothèses amènent à penser que le modèle historique qui permettrait d'interpréter les parentés entre les langues indo-européennes est sans doute beaucoup plus complexe qu'un simple arbre généalogique.

La paléontologie linguistique

C'est le Suisse Adolphe Pictet qui, dans Les Origines indo-européennes et les Aryas primitifs (1859-1863), définit la méthode de la « paléontologie linguistique ». Il suffirait de faire la somme des mots communs aux différentes langues indo-européennes pour cerner à la fois l'environnement naturel, mais aussi les institutions, les techniques et même la conception du monde des Indo-Européens primitifs. Un même mot par exemple pour désigner le mouton signifierait que cet animal était déjà domestiqué dans la patrie primitive ; des mots différents pour désigner le fer indiqueraient que son invention serait postérieure à l'éclatement des différents peuples indo-européens. Il suffirait ensuite de rechercher, grâce à l'archéologie, les traces matérielles d'une civilisation préhistorique dont les vestiges seraient en accord avec cette « paléontologie linguistique ».

Ce programme séduisant n'a pourtant jamais débouché sur des résultats décisifs. Certes, plusieurs éléments de la culture matérielle des civilisations préhistoriques de l'Europe se retrouvent dans le « vocabulaire commun », comme le mouton, le bœuf, le cheval, le cuivre, le char, la roue, l'abeille. Mais d'autres, tout aussi répandus dans ces mêmes civilisations, en sont absents, comme le chien. Comme le remarquait plaisamment l'archéologue anglais Stuart Piggott : « Les Indo-Européens connaissaient le beurre mais pas le lait, la neige et les pieds mais ni la pluie ni les mains ! » En outre, le sens ancien de certains mots communs, comme ceux ayant pu désigner la mer (ou toute étendue d'eau) ou la montagne n'est pas toujours établi avec certitude. De même, il n'est pas aisé de distinguer entre des mots primitifs et des mots d'emprunt, susceptibles de voyager de langue à langue. Enfin, il faut signaler que ces mots « communs » sont considérés comme tels dès qu'on les retrouve dans plusieurs groupes de langues indo-européennes, mais qu'il est exceptionnel qu'ils soient présents dans la totalité des langues indo-européennes les mieux attestées.

C'est pourquoi[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France

Classification

Média

Émile Benveniste - crédits : AFP

Émile Benveniste