- 1. La paléontologie linguistique
- 2. De l'Inde à la mer Noire
- 3. Les Indo-Germains
- 4. La mythologie comparée
- 5. Le renouveau de l'hypothèse steppique
- 6. Les premières sociétés inégalitaires
- 7. Indo-Européens et extrême droite
- 8. La colonisation néolithique de l'Europe
- 9. L'arbre des langues et des gènes
- 10. Les contraintes d'un modèle en arbre
- 11. Modèles alternatifs
- 12. Bibliographie
INDO-EUROPÉENS (archéologie)
Modèles alternatifs
Dès le xixe siècle, des linguistes, certes minoritaires, ont mis en doute la pertinence du modèle en arbre, tels le linguiste allemand Johann Schmidt, avec sa « théorie des vagues » concentriques issues d'origines différentes et se mélangeant progressivement, ou encore le linguiste autrichien Hugo Schuchardt, le premier à s'intéresser aux créoles et aux mélanges de langues. En 1938, le linguiste russe Nicolaï Troubetzkoy prononça à Prague une conférence célèbre, réfutant également l'idée d'une origine unique. Si ces contre-modèles ont rarement été développés plus avant, on retiendra néanmoins que la linguistique moderne nous offre de nombreux exemples de mélanges entre langues différentes. Outre les créoles et les pidgins, on connaît parmi les langues indo-européennes le cas de l'anglais (mélange de germanique et de roman), du roumain (mélange de slave et de roman) ou du yiddish (mélange de germanique et d'hébreu). L'ethnolinguistique en montre bien d'autres exemples, le multilinguisme étant en fait la situation normale dans des populations traditionnelles où il n'existe pas de langue nationale définie et où les échanges matrimoniaux et commerciaux sont la règle. On a souvent relevé que quatre des principales langues des Balkans (grec moderne, albanais, bulgare, roumain) qui, au sein des langues indo-européennes, appartiennent pourtant à des groupes distincts, s'étaient mises au cours des siècles à se rapprocher progressivement dans certaines de leurs structures. Tant dans le domaine sémitique que dans le domaine amérindien, le modèle en arbre n'est pas toujours le plus pertinent pour tous les linguistes.
En outre, ce modèle en arbre, défini au xixe siècle, suppose implicitement que les sociétés préhistoriques étaient autant d'États-nations homogènes, avec une langue unique également homogène et des frontières politiques et linguistiques nettes, tout le contraire de ce que nous enseigne l'ethnologie des sociétés traditionnelles, où les entités ethniques sont essentiellement malléables et évolutives, et où le multilinguisme est la plupart du temps la règle.
Certes, il existe dans l'histoire des phénomènes incontestables de diffusion linguistique dont le cas du latin, à l'origine des langues romanes, est l'un des mieux documentés. De tels phénomènes ont certainement eu lieu durant la préhistoire de l'Europe. Mais le modèle historique général susceptible de rendre compte de l'ensemble des apparentements indéniables entre les langues dites indo-européennes est certainement beaucoup plus complexe et a dû associer de manière constante phénomènes centrifuges et phénomènes centripètes. Cela explique qu'aucune solution simple ne se soit jusqu'ici imposée. Une solution durable devra certainement confronter de manière bien plus ouverte et détaillée l'ensemble des données issues, entre autres, de la linguistique, de l'anthropologie biologique, de la génétique, de la mythologie comparée et de l'archéologie.
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
Classification
Média