- 1. La paléontologie linguistique
- 2. De l'Inde à la mer Noire
- 3. Les Indo-Germains
- 4. La mythologie comparée
- 5. Le renouveau de l'hypothèse steppique
- 6. Les premières sociétés inégalitaires
- 7. Indo-Européens et extrême droite
- 8. La colonisation néolithique de l'Europe
- 9. L'arbre des langues et des gènes
- 10. Les contraintes d'un modèle en arbre
- 11. Modèles alternatifs
- 12. Bibliographie
INDO-EUROPÉENS (archéologie)
De l'Inde à la mer Noire
Pendant une bonne partie du xixe siècle, les données archéologiques font défaut, d'autant que l'on recherche la patrie primitive des Indo-Européens très loin en Asie. En effet, dès le xviiie siècle, l'Inde nouvellement découverte fascine, de Voltaire à Fichte, les intellectuels occidentaux, au point d'y voir une origine alternative à l'Éden biblique. C'est pourquoi les parentés mises en évidence par deux linguistes, l'Allemand Franz Bopp et le Danois Rasmus Rask, entre les langues européennes, le persan et le sanscrit font souvent de cette dernière langue, qui possède un système de déclinaisons particulièrement développé, l'ancêtre de toutes les autres. La patrie originelle serait donc à situer en Inde ou dans son voisinage. C'est encore l'hypothèse que l'on retrouve chez A. Pictet, dont la description idéale du peuple originel s'inspire aussi beaucoup de Virgile et d'Ovide. Mais la baisse de l'engouement pour l'Inde, décidément trop exotique, et la conviction acquise que le sanscrit n'était qu'une langue parmi d'autres amènent à déplacer la patrie originelle vers l'Asie centrale et ses oasis, hypothèse qui a la faveur de la majorité des linguistes jusqu'au début du xxe siècle. C'est dans ce but que le géologue américain Raphael Pumpelly viendra (en vain, reconnaîtra-t-il ensuite) fouiller en 1904 le site néolithique d'Anau dans le Turkestan russe.
Puis les steppes européennes, celles du nord de la mer Noire, commencent à prendre le relais à la fin du xixe siècle. L'hypothèse, défendue en Allemagne par le linguiste Otto Schrader, est popularisée en France par Salomon Reinach, conservateur au musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye. Schrader, dans son monumental Dictionnaire des antiquités indo-européennes (1901), qui fait encore référence aujourd'hui, se fonde pourtant sur une linguistique de l'absence : c'est parce qu'il n'y a pas de mots communs pour désigner les arbres ou la montagne, et très peu pour l'agriculture, que la patrie des Indo-Européens est steppique. Mais l'essentiel de son dictionnaire est surtout une synthèse de toutes les connaissances de l'époque sur l'Europe ancienne, issue des textes antiques et aidée de comparaisons avec les peuples « primitifs » modernes. C'est sur la seule foi de ces données externes qu'il décide, par exemple, que le peuple originel était nécessairement guerrier. À défaut de données archéologiques, Schrader imagine le peuple originel sous la forme des invasions connues aux périodes historiques, depuis les Scythes jusqu'aux Mongols. Cette vision se poursuivra jusqu'à nos jours chez une bonne partie des indo-européanistes.
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Écrit par
- Jean-Paul DEMOULE : professeur émérite à l'université Paris-I-Panthéon-Sorbonne et à l'Institut universitaire de France
Classification
Média