INDONÉSIE Histoire
Musulmans, Chinois, Portugais (XVe-XVIe siècle)
Un fait important est à signaler pour le xve siècle : le changement de nature des sources. Les textes épigraphiques, qui étaient jusqu'alors les guides les plus sûrs, viennent à manquer. Il faut désormais avoir recours à des chroniques plus prolixes, certes, que les sobres épigraphes, mais beaucoup moins sûres : elles nous sont parvenues sous une forme tardive et bien souvent altérée, tant par les modifications volontaires des chroniqueurs ou des copistes qu'à cause de la fragilité des lontar qui servent de supports aux manuscrits. Parallèlement, les sources archéologiques changent elles aussi. Les Caṇḍi et autres ruines de la période hindouisée disparaissent définitivement : il faudra se satisfaire de quelques rares architectures musulmanes, infiniment moins grandioses. Enfin et surtout, les documents étrangers prennent une place prépondérante ; à côté des récits chinois, qui sont plus fournis, apparaissent d'abondants textes européens, d'abord portugais, puis anglais, néerlandais, voire français.
Extension de l'islam à l'est, des Chinois au sud
À partir du xive siècle, et surtout du xve siècle, deux phénomènes ont une influence déterminante sur l'évolution de l'archipel : l'introduction de l'islam et l'arrivée des Chinois. En fait, il ne s'agit pas d'un processus entièrement nouveau. Dès le viie siècle, des pèlerins bouddhistes chinois gagnaient l'Inde par les mers du Sud ; au viiie siècle, des marchands musulmans arrivaient à Canton, où ils fondaient une mosquée. Sous les Song (xe-xiie s.), les échanges s'étaient intensifiés entre la Chine et le Moyen-Orient, et l'archipel en a conservé quelques témoignages (notamment une stèle funéraire trouvée à Léran, dans le nord de Java, avec une inscription en arabe et une date qui correspondrait à 1082 de l'ère chrétienne). À la fin du xiiie siècle, Marco Polo, qui fait voile avec une escadre chinoise vers la Perse, note la présence de petits États islamisés dans le nord de Sumatra (Lamuri, Perlak, Pasai). Au siècle suivant, musulmans et Chinois se rencontraient à la cour de Mojopahit (tombes musulmanes du cimetière de Tralaya).
À l'aurore du xve siècle, ces échanges interocéaniques se trouvent tout particulièrement stimulés. D'une part, les empereurs Ming envoient à sept reprises vers l'Asie du Sud-Est, et jusque vers l'Inde, La Mekke et l'Afrique, les célèbres expéditions commandées par l'eunuque Cheng He ; aspect officiel, et pour nous spectaculaire, de la lente pénétration des Chinois dans les mers du Sud, mouvement que stimule désormais l'augmentation progressive de la population chinoise. D'autre part, l'islam, battu en brèche en Méditerranée par la Reconquista espagnole, gagne du terrain à l'est, principalement en Inde, et s'étend jusque sur les rives de cette autre Méditerranée qu'est la mer de Chine. En 1411 se forme, sur les bords du golfe de Cambaye, un puissant État musulman dont les marchands entretiennent des rapports suivis avec l'Asie du Sud-Est.
Il faut donc garder à l'esprit que Chinois et musulmans arrivèrent au même moment, que ceux-ci n'étaient généralement pas des « Arabes » mais des Indiens suivant les traces de leurs prédécesseurs hindouistes, et que ceux-là étaient souvent eux-mêmes convertis à l'islam et venaient d'Asie centrale ou du Yun-nan.
Premiers États musulmans à Java (XVe siècle)
Dans la partie occidentale de l'archipel, le fait essentiel est à coup sûr l'ascension de Malaka. La ville fondée vers le début du siècle par un prince javanais devient bientôt un important carrefour cosmopolite ; dès 1419, son souverain s'est converti à l'islam.
À Java, la période est marquée par l'apparition sur[...]
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Écrit par
- Denys LOMBARD : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
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