INDONÉSIE Les ethnies
La république d'Indonésie a choisi comme devise une formule javanaise, reprise d'un poème du xive siècle : Bhinneka tunggal ika, « diverse et une à la fois ». Le phénomène d'unification, en cours depuis le xve siècle au moins, a été tout particulièrement favorisé par l'expansion de l'islam et les progrès de la langue malaise, puis par la formation des Indes néerlandaises et, finalement, par l'avènement de l'Indonésie indépendante ; toutefois, il s'en faut de beaucoup que l'élaboration d'une culture commune ait eu le temps de dissiper tous les régionalismes.
En indonésien, le groupe régional, l'ethnie, se dit suku (qui signifie également « membre », « élément d'un tout ») ; et il s'est formé un néologisme, sukuisme, pour désigner, avec une nuance péjorative, le « régionalisme », l'« esprit de clocher ». Il n'existe pas de liste officielle de ces divers suku ; aussi les avis peuvent-ils varier sur leur nombre ; on en distingue généralement près de trois cents, en tenant compte de critères à la fois géographiques et linguistiques. Notre connaissance de ces divers suku est très inégale et repose souvent sur des descriptions déjà vieillies, datant du xixe siècle. Les meilleures analyses sont dues aux fonctionnaires locaux de l'ancienne administration indo-néerlandaise, aux missionnaires protestants et, plus récemment, à des ethnologues occidentaux ou indonésiens (disciples du professeur Koentjaraningrat).
Les marginaux
Plusieurs groupes, culturellement et linguistiquement très différents, ont ceci de commun d'avoir tous vécu jusqu'au xxe siècle dans un relatif isolement. Occupant généralement les montagnes et les bassins de l'intérieur, ils vivent de cueillette ou de cultures sèches (riz d'altitude, sagou) ; leur élevage est réduit (le buffle est souvent présent) et ils n'adoptent que lentement, lorsque la chose est possible, les cultures irriguées ou commerciales. Les structures de parenté jouent un rôle déterminant dans leur organisation sociale et priment les facteurs territoriaux ou politiques. Peu ou point touchés par l'hindouisme et par l'islam, ils pratiquaient, récemment encore, diverses formes d'animisme ou de chamanisme et se livraient à la guerre entre villages, voire à la chasse aux têtes. Les missions catholiques et surtout les missions protestantes ont fait beaucoup d'adeptes parmi eux ; la pénétration de l'Administration et la création de districts régis par des fonctionnaires délégués ont notablement perturbé leur organisation traditionnelle au cours du xxe siècle.
On peut citer, au niveau le plus élémentaire, les Kubu du sud-est de Sumatra, les Badui de Java-Ouest, certaines populations Dayak du centre de Kalimantan (ou Bornéo), des groupes de l'île de Halmahera, de l'intérieur de Céram et la majorité des populations papoues du Papua Barat (Papouasie occidentale, appelée Irian Jaya jusqu'en 2001), qui n'ont avec les autorités indonésiennes que des rapports intermittents, parfois hostiles. Certaines régions de Sumatra (pays Gayo, Rejang) et des petites îles de la Sonde (Sumba, intérieur de Timor) vivent aussi dans un relatif isolement ; il faut signaler la forte influence des missions protestantes dans l'île de Nias, des missions catholiques à Flores. Peu nombreuses numériquement, ces ethnies marginales sont les plus intéressantes d'un point de vue strictement ethnographique par la richesse de leurs mythes, la complexité de leurs structures sociales et le maintien de cultes anciens (mégalithes, sacrifice du buffle) ; leur étude permet d'établir des rapprochements avec d'autres régions d'Asie du sud-est et de poser la question d'une communauté de culture à date ancienne. Il s'en faut malheureusement que toutes ces ethnies fassent également l'objet d'une enquête.[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Denys LOMBARD : directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales
Classification
Médias
Autres références
-
INDONÉSIE, chronologie contemporaine
- Écrit par Universalis
-
ANANTA TOER PRAMOEDYA (1925-2006)
- Écrit par Etienne NAVEAU
- 847 mots
Romancier, essayiste et biographe, auteur d'une œuvre largement diffusée et traduite, Pramoedya Ananta Toer (dit Pram) est sans conteste la figure la plus marquante de la littérature indonésienne du xxe siècle. Né en 1925 à Blora, ville située sur la côte nord de Java, Pram prit part...
-
ANDERSON BENEDICT (1936-2015)
- Écrit par Encyclopædia Universalis
- 1 202 mots
L’historien et politologue irlandais Benedict Anderson tient une place importante dans l’historiographie anglo-saxonne pour ses travaux sur les origines du nationalisme.
Benedict Richard O’Gorman Anderson est né le 26 août 1936 à Kunming, dans le sud de la Chine, où son père occupe un poste au Bureau...
-
ASEAN (Association of South East Asian Nations) ou ANSEA (Association des nations du Sud-Est asiatique)
- Écrit par Anne-Marie LE GLOANNEC
- 226 mots
-
ASIE (Structure et milieu) - Géologie
- Écrit par Louis DUBERTRET , Encyclopædia Universalis et Guy MENNESSIER
- 7 933 mots
La structure des orogènes de l'Indonésie reflète un modèle commun, à savoir une disposition arquée réalisée à partir d'un foyer orogénique, comprenant un arc interne volcanisé et un arc externe non volcanisé affecté d'anomalies négatives de la pesanteur. Celles-ci se localisent actuellement le long... - Afficher les 90 références