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INDUCTION, philosophie

Le processus de pensée qu'on appelle induction et qui relève de la méthode reconstructive évoque une question obscure qui peut se formuler ainsi : existe-t-il, à côté des inférences nécessaires qui se fondent sur le principe de la déduction, des inférences qui seraient seulement probables et reposeraient sur un autre principe, celui de l'induction ? Le problème de l'existence et de la validité de ces inférences probables se trouve soulevé par le fait que, dans la connaissance ordinaire et dans les sciences empiriques, on utilise des propositions universelles affirmatives de ce genre : « Tous les corbeaux sont noirs », ou bien : « On entend le tonnerre après avoir vu l'éclair. » Or, pour justifier cet emploi de l'adjectif « tous » qui indique qu'une propriété appartient à l'ensemble des individus d'une classe ou d'une espèce, on est réduit à avouer : « Tous les corbeaux que j'ai vus avaient un tel caractère. » Comme le nombre des individus observés ne recouvre pas d'habitude tous les membres de la classe en question, il faut justifier la généralisation qui, à partir des propriétés remarquées chez quelques-uns, « infère » une propriété s'appliquant à tous. Le procédé étant à la fois très commun et très difficile à fonder en raison, il en est résulté un problème qui intrigue le philosophe, celui de l'induction.

Deux questions se présentent d'abord : celle de la découverte des hypothèses ou des lois, c'est-à-dire de la psychologie des inventions ; et celle de la confirmation ou de l'infirmation de ces hypothèses ou de ces lois par des exemples. La logique ne se prononce pas sur la première et elle se borne à examiner des problèmes de cet ordre : à quelles conditions un énoncé peut-il jouer le rôle d'une hypothèse scientifique ou, s'il est confirmé, d'une loi ? Existe-t-il un lien logique, et de quelle nature, entre l'observation des propriétés de n individus d'une classe et l'affirmation que tous les individus de cette classe ont telle propriété ? Peut-on associer une mesure au degré de vraisemblance des hypothèses ? De telles interrogations illustrent le problème logique de l'induction, qu'il convient d'examiner ici en laissant de côté la question pourtant si importante de la découverte des hypothèses. Mais il faut reconnaître qu'il n'existe pas un type de « raisonnement inductif » qui s'opposerait à la déduction : l'esprit procède soit par intuition, lorsqu'il invente des hypothèses, soit par déduction. Et il cherche à confronter aux faits observables ses concepts ou ses hypothèses.

De l'énoncé à la loi

On a souvent remarqué que toutes les propositions ne se prêtaient pas à la généralisation : quand on a constaté que plusieurs échantillons d'un même métal sont bons conducteurs de l'électricité ou de la chaleur, on incline à penser que tous les morceaux de ce métal jouiront de cette propriété. Si, en revanche, deux personnes dans un groupe se trouvent être les aînées de leur famille, on ne croira pas pour autant que les autres le seront également. Dans le premier cas, les observations se rapportent à une classe homogène, à tel métal ; dans le second, elles concernent un agrégat supposé hétérogène. Cela semble indiquer que les individus qu'on peut subsumer sous une loi doivent former une classe ou une espèce définie. Mais, s'il est facile de comprendre que seules les lois, en tant qu'énoncés universalisables, soient susceptibles de la confirmation ou de l'infirmation qui importent au logicien, il est plus malaisé d'éviter le cercle suivant : si le problème de l'induction, au sens de confirmation d'une loi par des exemples, ne concerne que les énoncés universels, est-il possible, autrement que par induction, de dire quels sont ces énoncés ? En effet, si l'universalité[...]

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