- 1. Impérialisme et déficit d'État
- 2. Mondialisation et inégalités entre grandes régions du monde
- 3. La persistance des inégalités entre pays
- 4. Inégalité devant l'inégalité
- 5. Résurgence des inégalités devant l'emploi et les salaires dans les pays riches
- 6. Le rôle de la mondialisation des échanges et des institutions
- 7. Les problèmes de mesure des inégalités et de la pauvreté
- 8. Bibliographie
INÉGALITÉS Les inégalités économiques
Le premier facteur d'inégalité entre les êtres humains tient à l'endroit du monde où ils naissent et grandissent. En ce début de siècle, plus des deux tiers des inégalités de revenus observées dans le monde s'expliquent par les différences de niveaux de vie moyens entre pays et régions du monde. Près de la moitié des habitants de l'Afrique subsaharienne disposent de moins d'1,25 dollar par jour pour vivre. En Asie du Sud (Inde, Bangladesh...), la proportion de personnes vivant dans un tel état de dénuement est moitié moindre, tandis qu’en Amérique du Sud ce taux d’extrême pauvreté avoisine les 5 p. 100 et qu’en Europe occidentale, elle est résiduelle bien qu’en augmentation.
Pour massives qu'elles soient, les inégalités de revenus entre pays et grandes régions du monde ne sont pas aisées à comprendre. Selon une étude conduite par François Bourguignon et Christian Morrisson, les écarts entre pays se sont brutalement creusés à la fin du xixe siècle et cela jusqu’au dernier quart du xxe siècle. Ils ont atteint en 1989 le niveau vertigineux de 0,70 du coefficient de Gini avant de décroître depuis lors à un rythme rapide, principalement du fait des performances des pays émergents, d’après les études récentes de Bourguignon notamment. Au cours de la période de la révolution industrielle, l'Europe et ses colonies de peuplement ont su tirer profit d'innovations technologiques radicales, entraînant par la suite une hausse continue du niveau de vie. Un fossé technologique profond s'est progressivement creusé entre l'Occident et les autres régions du monde, y compris les colonies riches en ressources.
Impérialisme et déficit d'État
Certains grands pays, comme la Chine, l'Inde ou l'Égypte, ont été déstabilisés par l'impérialisme occidental, et c'est sans doute aussi en partie ce qui explique le retard pris à cette époque. En Afrique, l'économie de traite mise en place par les colonisateurs occidentaux a également été une source de déstructuration. Les difficultés du continent africain à sortir d'une économie de rente agricole peuvent en partie s'interpréter comme la conséquence de l'époque coloniale. Les puissances européennes ont organisé les institutions, l'activité économique et les infrastructures africaines en fonction des seuls besoins de leurs métropoles. L'objectif était d'exporter le plus massivement possible les produits et matières premières africaines en direction des grands ports européens. La brutalité de la domination économique coloniale permet de comprendre les grandes difficultés éprouvées depuis lors par l'Afrique pour retrouver son équilibre et son autonomie.
Ce continent fait sans doute face également à des problèmes de fond, antérieurs à l'époque de la colonisation. L'un de ces problèmes est l'absence d'États suffisamment solides pour mettre en place une institution fiscale efficace et mener à bien les politiques d'investissement public et d'infrastructure nécessaires au développement d'un pays.
Selon certains auteurs, comme Jeffrey Herbst, la raison profonde de ce « déficit d'État » se trouve dans la faible densité de population qui, historiquement, caractérise le continent africain. En Europe, continent historiquement plus dense en population, la terre est relativement plus rare, d'où une compétition relativement plus forte entre les hommes pour se l'approprier. Herbst identifie cette compétition comme l'un des facteurs profonds de l'apparition d'États-nations en Europe, source de guerres et de destructions de masse, mais source également d'investissement public, d'innovations et de progrès de long terme, via notamment une meilleure garantie des droits de propriété. En revanche, en Afrique, la ressource[...]
La suite de cet article est accessible aux abonnés
- Des contenus variés, complets et fiables
- Accessible sur tous les écrans
- Pas de publicité
Déjà abonné ? Se connecter
Écrit par
- Charlotte GUÉNARD : maître de conférences en économie à l'Institut d'étude du développement économique et social, luniversité de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Éric MAURIN : chercheur en économie et statistique, administrateur I.N.S.E.E.
Classification