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INÉGALITÉS Analyse et critique

Évolution des inégalités

Aggravation des inégalités

D'après Alexis de Tocqueville, l'idéal démocratique trouverait sa traduction dans la tendance à l'égalisation des conditions. Force est cependant de constater que l'évolution des trois dernières décennies va nettement à l'opposé, c'est-à-dire dans le sens de l'aggravation des inégalités.

L’inversion de tendance enregistrée au tournant des années 1970 et 1980 est repérable facilement en ayant recours à des indicateurs synthétiques ambitionnant, à l'instar du produit intérieur brut (P.I.B.), de résumer en un chiffre global unique l’évolution du « progrès social » ou, à l’opposé, des « inégalités sociales ». Ces indicateurs synthétiques cherchent souvent à articuler des exigences « sociales » et « environnementales ». Ces indicateurs s’inspirent des travaux menés dans le cadre du Programme des Nations unies pour le développement (P.N.U.D.) qui ont conduit à l’élaboration depuis 1990 de l’indicateur de développement humain (I.D.H.), puis de l’indicateur de participation des femmes à la vie économique et politique (I.P.F) et de l'indicateur de pauvreté humaine (I.P.H.). Chose remarquable, quel que soit l’indicateur utilisé, dans la plupart des pays il est possible d’objectiver la rupture qui intervient au tournant des années 1980.

Les chercheurs canadiens Osberg et Sharpe ont construit un indice de bien-être économique (I.B.E.E.) qui articule les bases de la comptabilité nationale et celles de certaines statistiques sociales. Son principe consiste à faire la moyenne de quatre indicateurs, eux-mêmes synthétiques, portant respectivement sur les inégalités et la pauvreté économiques, les flux de consommation au sens large, les stocks de richesses (économique, humaine et environnementale) et l'insécurité économique (qui prend en compte les risques économiques liés au chômage, à la maladie, à la vieillesse et ceux qu’encourent les familles monoparentales). Les dimensions économiques et sociales y jouent un rôle plus important que les questions environnementales. Ces chercheurs ont appliqué leur méthode à divers pays de l'O.C.D.E. Ainsi de 1980 à 2000, cet indicateur permet de montrer que le bien-être économique d’un pays comme la Grande-Bretagne chutait de 20 p. 100 au cours de la décennie 1980 (années Thatcher) et se redressait à peine au cours de la décennie suivante puisque en 2000 l’indicateur enregistre toujours une recul de 10 p. 100 par rapport à 1980 tandis que le P.I.B. augmentait de 50 p. 100 de 1980 à 2000.

D’autres indicateurs prennent davantage en compte le développement durable. L’indicateur de progrès véritable (Genuine Progress Indicator, G.P.I.), proposé depuis 1995 par un institut californien en est un exemple. La méthode part de la mesure traditionnelle de la consommation des ménages. On y ajoute diverses contributions non monétaires à la « vraie » richesse et au bien-être (par exemple l'activité bénévole ou le travail domestique). Puis on soustrait la valeur estimée des « richesses perdues », qu’il s’agisse de richesses naturelles (destruction de la couche d'ozone, autres dommages à l'environnement, destruction de ressources non renouvelables) ou de richesses sociales (coût social du chômage, des délits, des accidents de la route, progression des inégalités). Dans cette comptabilité nationale « élargie », on évalue en unités monétaires (tant bien que mal) tous ces effets ajoutés ou retranchés, par exemple la valeur (ajoutée) du travail bénévole, la valeur (perdue) liée aux dommages à l'environnement, etc. Sur cette base, il apparaît que, si la richesse économique brute (le P.I.B.) par personne a presque triplé aux États-Unis entre 1950 et 1988, la richesse économique, sociale et écologique nette (le G.P.I.) par personne[...]

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Écrit par

  • : professeur de sociologie à l'université de Haute-Alsace, Mulhouse
  • : professeur de sociologie à l'université Marc-Bloch, Strasbourg

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