INÉGALITÉS Théories de la mesure des inégalités économiques
La mesure normative des inégalités
L'approche consistant à poser des principes de justice distributive, et à en dériver des indices d'inégalités paraît plus prometteuse. C'est pour répondre à ce besoin que s'est développée, depuis les années 1970, la théorie axiomatique de la mesure des inégalités.
Les principes de justice distributive sont incarnés par une relation de préférence, notée
, sur l'ensemble des distributions de revenus. Ainsi, la phrase « la distribution de revenus X est préférée, du point de vue de la justice distributive, à la distribution de revenus Y » s'écrira : « XY ». La question essentielle est de savoir quelles propriétés (axiomes) cette relation de préférence vérifie. Il sera alors possible d'en dériver un indice d'inégalités.Les axiomes caractérisant les indices normatifs d'inégalités sont de deux ordres. Il existe un premier ensemble d'axiomes fondamentaux, communs à tous les indices normatifs. Ces axiomes permettent d'assurer l'existence d'une fonction représentant la relation de préférence
(axiomes de Debreu), satisfaisant des conditions éthiques fondamentales. Un second ensemble d'axiomes (axiomes d'indépendance) permet alors de caractériser avec précision des classes d'indices d'inégalités.Les axiomes fondamentaux
Les axiomes de Debreu
En premier lieu, on supposera qu'il est possible de comparer toutes les distributions (certaines peuvent éventuellement être jugées équivalentes), et que de plus la relation
est transitive : si l'on préfère la distribution X à la distribution Y, et que l'on préfère la distribution Y à la distribution Z, alors on préfère la distribution X à la distribution Z. Ces conditions constituent l'axiome d'ordre.Notons que l'hypothèse selon laquelle il est possible de comparer toutes les distributions de revenus ne va pas de soi : on peut penser, au contraire, qu'un ordre complet n'existe pas, et qu'il est seulement possible de définir un ordre partiel sur l'ensemble des distributions (par exemple l'ordre de Lorenz, selon lequel une distribution de revenus est préférée à une autre si, et seulement si, il est possible de passer de la première à la seconde par une série de transferts de revenus d'individus pauvres vers des individus riches, sans modifier l'ordre des revenus). Par ailleurs, l'hypothèse selon laquelle l'ordre porte directement sur les distributions de revenus n'est pas neutre : cela signifie que l'on rejette hors du champ de la mesure des inégalités toutes les considérations qui ne portent pas directement sur la distribution des revenus.
On supposera par ailleurs que la relation
vérifie un axiome de continuité, stipulant que si deux séquences de distributions de revenus (Xk) et (Yk), convergeant respectivement vers Xet Y, sont telles que XkYk pour tout k, alors XY.Si les axiomes d'ordre et de continuité sont vérifiés, il est possible de représenter la relation
par une fonction continue F définie sur l'ensemble des distributions de revenus, et à valeurs réelles. En d'autre termes, il existe une fonction F, qui, à toute distribution X, associe un unique nombre F(X), et telle que la distribution X est préférée à la distribution Y si et seulement si F(X)≥ (Y) (Debreu, 1959). Si la fonction F est caractérisée par un certain nombre d'axiomes, tout individu acceptant ces axiomes doit alors également accepter la fonction F comme fonction d'évaluation des distributions de revenus. Dans ce cas, nous dirons que F a un contenu normatif, représenté par les axiomes qui la caractérisent. L'expression « XY » a alors un sens précis : elle signifie « X est préférée à Y par tout individu dont l'opinion en matière de justice distributive est représentée par F ».[...]La suite de cet article est accessible aux abonnés
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Écrit par
- Thibault GAJDOS : chargé de recherche C.N.R.S.
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