- 1. Impérialisme et déficit d'État
- 2. Mondialisation et inégalités entre grandes régions du monde
- 3. La persistance des inégalités entre pays
- 4. Inégalité devant l'inégalité
- 5. Résurgence des inégalités devant l'emploi et les salaires dans les pays riches
- 6. Le rôle de la mondialisation des échanges et des institutions
- 7. Les problèmes de mesure des inégalités et de la pauvreté
- 8. Bibliographie
INÉGALITÉS Les inégalités économiques
La persistance des inégalités entre pays
La réduction des inégalités internationales passe par une mondialisation plus équilibrée, moins brutale, mais ce facteur n'est pas suffisant. Dans tous les pays, la pauvreté a tendance à persister au fil des générations, et cette persistance rend les inégalités devant la pauvreté entre pays particulièrement difficiles à faire reculer. Les pays les plus pauvres sont, en effet, ceux qui investissent le moins dans l'éducation de leurs enfants, et donc ceux où les enfants sont le plus souvent condamnés dès le plus jeune âge à un destin de pauvreté. Les inégalités devant l'accès à l'éducation entre pays sont plus grandes que les inégalités de niveaux de vie entre pays en Afrique subsaharienne, la région où les inégalités en matière d’éducation sont les plus élevées, mais aussi en Asie du Sud, en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, ce qui rend improbable une convergence rapide des niveaux de vie dans le monde sans laissés-pour-compte.
Dans la plupart des pays d'Afrique subsaharienne ou d'Asie du Sud, une proportion considérable d'enfants ne vont pratiquement pas à l'école. Il ressort, par exemple, des données de Deon Filmer consacrées à l'effort de scolarisation dans 98 pays que seuls 70 p. 100 des enfants pakistanais âgés de 6 à 14 ans et 30 p. 100 des enfants burkinabés étaient scolarisés, respectivement en 2006 et en 2003. En Amérique du Sud, le problème est un peu différent. Une majorité d'enfants vont au moins quelques années à l'école primaire, mais beaucoup n'achèvent pas réellement cette scolarité primaire et très rares sont ceux qui finalement rejoignent le secondaire. Pour prendre l'exemple du Brésil, plus de 95 p. 100 des enfants de ce pays passent au moins quelques années à l'école primaire (ce qui est donc un progrès par rapport à l'Afrique noire ou l'Asie du Sud où une majorité d'enfants sont à peine scolarisés) mais seuls 33 p. 100 des enfants brésiliens achèvent effectivement leur scolarité primaire. En Amérique du Sud, le problème n'est donc pas tant de faire aller les enfants à l'école que de les y faire rester. Les programmes publics de transferts financiers conditionnels aux ménages ont eu un certain succès en ce sens, comme en attestent les exemples mexicain (Progresa) et brésilien (Bolsa Familia).
La pauvreté des parents est bel et bien le facteur explicatif clé de ces scolarités tronquées ou inexistantes, comme en témoignent les différentiels de scolarisation considérables au sein des pays que l'on observe, entre les enfants de familles riches et ceux de familles pauvres. En Inde, la proportion d'enfants ayant fréquenté l'école est une fois et demie plus élevée au sein des 20 p. 100 de familles les plus riches qu'au sein des 20 p. 100 de familles les plus pauvres. En Afrique subsaharienne, le différentiel est identique dans bien des pays mais il atteint des écarts vertigineux de 1 à 6 entre ces deux quintiles pour quelques pays comme le Niger ou le Tchad, et de 1 à plus de 2 au Bénin, au Mali, en Éthiopie, en Guinée, en Guinée-Bissau par exemple.
Pourquoi la pauvreté des familles aurait-elle en soi un effet sur la scolarisation des enfants ? Les enfants des familles pauvres en Afrique ou en Asie souffrent souvent de malnutrition et leur état de santé est fréquemment précaire. En conséquence, même lorsque l'école est gratuite, il leur est souvent tout simplement difficile d'aller à l'école et surtout de profiter de l'école. Dans une étude conduite en 2002 aux Philippines, notamment par Paul Glewwe, il est montré que les enfants bénéficient de scolarités élémentaires d'autant plus régulières qu'ils sont par ailleurs suffisamment nourris. Les auteurs de cette étude évaluent que chaque dollar investi pour améliorer la qualité et la régularité de l'alimentation[...]
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Écrit par
- Charlotte GUÉNARD : maître de conférences en économie à l'Institut d'étude du développement économique et social, luniversité de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Éric MAURIN : chercheur en économie et statistique, administrateur I.N.S.E.E.
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