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INÉGALITÉS Les inégalités économiques

Inégalité devant l'inégalité

Les êtres humains sont inégaux dès la naissance du point de vue du niveau de vie moyen qu'ils peuvent espérer atteindre dans leur pays. Ils sont également terriblement inégaux du point de vue de l'amplitude même des inégalités prévalant dans la société où ils vivent, avec toutes les conséquences qu'une forte inégalité a sur la qualité des relations sociales. Si l'on se réfère à l'indice de Gini, la distribution des revenus disponibles est 1,3 fois plus inégalitaire au Brésil qu'aux États-Unis et environ de 20 p. 100 plus inégalitaire aux États-Unis qu'en France. L'indice de Gini, qui est un des principaux indices de mesure des inégalités, correspond à une moyenne pondérée où le poids le plus important est donné à l'individu le plus pauvre et le poids le plus faible à l'individu le plus riche. Plus précisément, si le pays compte n individus, le poids relatif du plus riche est 1, du deuxième plus riche est 2, etc., et le poids relatif du plus pauvre est n.

Dans les années 1950, Simon Kuznets émit une thèse qui eut longtemps force de loi, selon laquelle l'amplitude des inégalités dans un pays reflétait avant tout son niveau de développement. Selon Kuznets, les phases initiales de développement sont créatrices d'inégalités (entre secteurs ruraux « anciens » et secteurs urbains « modernes » émergents) tandis que les phases ultérieures s'accompagnent d'une réduction des inégalités au fur et à mesure que l'ensemble de l'économie bascule dans les secteurs modernes où les relations sociales sont à la fois mieux formalisées et mieux régulées. Durant les années 1960-1980, la thèse de Kuznets semblait assez bien vérifiée empiriquement. Les pays à revenus intermédiaires comme le Brésil ou le Mexique apparaissaient à cette époque bien plus inégaux que les pays très pauvres d'Afrique ou d'Asie, tandis que les pays industrialisés étaient beaucoup moins inégalitaires.

Depuis le début des années 1980, les cartes se sont toutefois quelque peu brouillées. Contrairement à l'esprit du modèle de Kuznets, les inégalités ont cessé de baisser dans la plupart des pays industrialisés et sont même nettement reparties à la hausse aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie, comme le montre par exemple Thomas Piketty dans son ouvrage de 2013. Les pays d'Europe continentale jugulent mieux les inégalités devant le revenu, essentiellement en raison d'un système de protection sociale plus redistributif que les systèmes britannique ou américain. En revanche, les inégalités devant l'emploi et les revenus du travail (avant redistribution donc) semblent avoir augmenté partout dans le monde. En France, par exemple, l'avènement d'un chômage de masse a concerné avant tout les personnes les moins diplômées : le taux de chômage des personnes peu ou pas diplômées demeure en 2012 trois fois plus élevé que celui des diplômés du supérieur, et près de cinq fois supérieur pour les jeunes en début d’insertion professionnelle.

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Écrit par

  • : maître de conférences en économie à l'Institut d'étude du développement économique et social, luniversité de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • : chercheur en économie et statistique, administrateur I.N.S.E.E.

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