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INÉGALITÉS Les inégalités économiques

Résurgence des inégalités devant l'emploi et les salaires dans les pays riches

La montée des inégalités devant l'emploi et les salaires en Occident a donné lieu à des débats très vifs, notamment parmi les économistes. De fait, il est politiquement crucial de savoir si ces nouvelles inégalités sont dues au progrès technique et à une insuffisante adaptation de la main-d'œuvre aux nouveaux besoins en qualification, ou si elles sont dues au développement du commerce international et à la concurrence des pays à bas salaires, ou encore à un affaiblissement des syndicats et des systèmes de protection sociale.

Aux États-Unis, l'explication dominante à la résurgence des inégalités est celle du progrès technique biaisé, qui est aussi bien retenue par Larry Katz et Kevin Murphy (1992) que par Eli Berman, John Bound et Stephen Machin (1998). Les nouvelles technologies de l'information seraient plutôt complémentaires des salariés qualifiés (elles en augmentent la productivité) et substituables aux salariés peu qualifiés (elles les remplacent). C'est la baisse du coût de ces technologies, et leur diffusion dans l'économie, qui serait la source des inégalités croissantes entre salariés qualifiés et non qualifiés outre-Atlantique. À l'appui de cette thèse, il y a un constat très simple : les différentiels de rémunération entre salariés qualifiés et non qualifiés s'accroissent conjointement avec la proportion de salariés qualifiés au sein même des différents secteurs d'activités. Si l'évolution technologique dans les différents secteurs était neutre vis-à-vis des qualifications requises pour la main-d'œuvre, on devrait au contraire observer une diminution de la proportion des salariés qualifiés partout où ce facteur de production tend à devenir plus cher. Seule une évolution technologique intrinsèquement favorable aux personnels qualifiés est capable d'expliquer que les employeurs substituent le facteur de production qui devient de plus en plus cher (les salariés qualifiés) au facteur qui devient de moins en moins coûteux (les salariés non qualifiés).

En Europe continentale en général et en France en particulier, les faits ont longtemps été moins favorables qu'aux États-Unis à l'hypothèse du progrès technique biaisé en faveur des personnels qualifiés. Jusqu'au début des années 1990, l'afflux croissant de diplômés était absorbé non pas par une augmentation du recours aux diplômés au sein des différents secteurs de l'économie, mais bien plutôt par une redistribution progressive de l'emploi et de l'activité de l'industrie lourde (où les emplois non qualifiés sont nombreux) vers les services et le tertiaire (plutôt plus qualifiés). Beaucoup plus que d'un chômage technologique, les personnes peu qualifiées ont alors souffert de la désindustrialisation du pays et des destructions massives d'emplois dans les industries où les non-qualifiés sont proportionnellement plus nombreux.

Le début des années 1990 semble toutefois avoir marqué un tournant, qui a pu être mis en lumière dans une étude menée en 2002 par Eric Maurin et Dominique Goux. Les inégalités devant le chômage persistent à des niveaux très élevés, mais les causes de persistance semblent de moins en moins à trouver dans la désindustrialisation, dont les effets s'essoufflent. On constate en revanche que, en dépit d'une stabilisation du coût du travail non qualifié, les substitutions de salariés qualifiés à des salariés non qualifiés s'accélèrent un peu partout et particulièrement dans les secteurs où les nouvelles technologies se diffusent le plus. Une des explications réside dans le fait que les nouvelles technologies permettent aux entreprises de se réorganiser au profit des services d'étude et de commercialisation et au détriment des services de production ou de gestion,[...]

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Écrit par

  • : maître de conférences en économie à l'Institut d'étude du développement économique et social, luniversité de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
  • : chercheur en économie et statistique, administrateur I.N.S.E.E.

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