- 1. Impérialisme et déficit d'État
- 2. Mondialisation et inégalités entre grandes régions du monde
- 3. La persistance des inégalités entre pays
- 4. Inégalité devant l'inégalité
- 5. Résurgence des inégalités devant l'emploi et les salaires dans les pays riches
- 6. Le rôle de la mondialisation des échanges et des institutions
- 7. Les problèmes de mesure des inégalités et de la pauvreté
- 8. Bibliographie
INÉGALITÉS Les inégalités économiques
Le rôle de la mondialisation des échanges et des institutions
De part et d'autre de l'Atlantique, un consensus s'est formé autour de l'idée que la mondialisation des échanges n'a pas d'effets directs majeurs sur les inégalités au sein des pays occidentaux. Après avoir été en vogue, l'idée a été abandonnée selon laquelle les problèmes rencontrés par les salariés non qualifiés des pays du Nord étaient dus à la concurrence exercée par les salariés des pays du Sud. De fait, les échanges avec les pays du Sud ne représentaient à la fin du xxe siècle qu'une toute petite part de l'ensemble des échanges réalisés par les pays du Nord et il est bien difficile de rendre cette proportion responsable de la baisse très rapide de la demande de travail non qualifié dans les pays du Nord. Si la mondialisation et le commerce international instaurent une concurrence, c'est bien plutôt entre salariés du Nord qu'entre salariés du Nord et salariés du Sud. Un pays comme la France réalise ainsi l'essentiel de ses échanges avec l'Europe et les États-Unis et se trouve spécialisé dans des industries faiblement utilisatrices de main-d'œuvre qualifiée (comme l'agroalimentaire ou le travail du bois). Du coup, en impliquant les secteurs parmi les moins spécialisés en main-d'œuvre qualifiée, le développement du commerce international a un effet direct favorable aux salariés français les moins qualifiés.
L'idée qui, en revanche, a gagné en importance est celle d'un rôle indirect important de la mondialisation des échanges et de l'accroissement de la concurrence internationale. L'ouverture des marchés et la menace de concurrents potentiels incitent les entreprises à investir et à se réorganiser de façon préventive, de façon plus fréquente et plus profonde qu'elles ne le feraient dans une économie moins globalisée. Une partie du progrès technique et de ses effets sur les inégalités serait ainsi en réalité induite par la mondialisation des échanges. Cette thèse est séduisante, mais particulièrement difficile à valider empiriquement. Une idée un peu différente et plus facile à tester est celle selon laquelle l'acte même de commercer sur les marchés extérieurs demande aux entreprises de se réorganiser et d'augmenter leur recours à des personnels très qualifiés. En France comme aux États-Unis, on constate que les entreprises exportatrices emploient une main-d'œuvre plus qualifiée que les autres, notamment quand elles exportent vers les pays du Nord.
Il a ainsi pu être montré que la part des emplois de niveau ingénieur et technicien est en moyenne 25 p. 100 plus élevée dans les entreprises exportatrices que dans les entreprises qui n'exportent pas (Maurin, Thesmar, et Thoenig, 2002). Ce surcroît de travail très qualifié reflète en partie l'accent mis sur le développement et la conceptualisation de nouveaux produits : ces fonctions représentent en moyenne 31 p. 100 des emplois des entreprises exportatrices contre seulement 25 p. 100 des emplois des entreprises non exportatrices.
Selon la même étude, la corrélation observée entre emplois qualifiés et activité d'exportation correspond sans doute à une forme de causalité : quand les barrières à l'échange s'effacent, les entreprises destinées à se porter sur les marchés extérieurs commencent par se réorganiser (davantage de commerciaux) et par augmenter la qualification de leurs emplois tant dans les services de production que dans les services d'étude et de commercialisation.
L'accroissement des qualifications serait ainsi non pas une conséquence, mais un préalable à l'activité d'exporter, une condition nécessaire à la pénétration des entreprises sur des marchés qu'elles connaissent moins bien que leur marché domestique. Une[...]
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Écrit par
- Charlotte GUÉNARD : maître de conférences en économie à l'Institut d'étude du développement économique et social, luniversité de Paris-I-Panthéon-Sorbonne
- Éric MAURIN : chercheur en économie et statistique, administrateur I.N.S.E.E.
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