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INFINI, philosophie

Les données historiques

Le mauvais infini

La pensée antique, fidèle à l'idéal d'achèvement et de mesure qui animait son art et sa religion, se méfie de l'infini. Marque d'une pensée obscure correspondant à un réel irréalisé, manquant de forme pour se présenter à un savoir qui puisse le contenir ou le représenter, l'infini – l'apeiron – serait indétermination, désordre, mal. Mais les formes finies, claires et intelligibles constituent le cosmos. L'infini, source d'illusion, s'y mêle et doit en être chassé comme les poètes de la cité platonicienne. Aristote distingue puissance et acte et, dès lors, l'infini en puissance de l'accroissement et de la division – ordre de la matière – de l'infini actuel qui serait une contradiction flagrante. Cette contradiction ne sera surmontée dans l'histoire de la philosophie que par la rupture avec la notion quantitative de l'infini que Descartes prendra la précaution d'appeler indéfini et dont Hegel retrouvera les traces jusque dans l'infini du devoir-être – du Sollen – qu'il contribuera à disqualifier comme mauvais infini. À la fin du xixe siècle et au début du xxe, le mathématicien M. B. Cantor, trouvant pour l'infini des opérations aussi définies que celles qui portaient jusqu'alors sur les nombres actuels, finis, parlera d'infini actuel en mathématique, mais cette notion conserve une signification rigoureusement opératoire relevant d'une modification de l'axiomatique. Pour Aristote, être, c'est être en acte, être accompli et achevé. La définition ou la détermination du réel n'en exclut que du possible ; elle ne le transforme pas en abstraction arrachée à la totalité du réel. Et, cependant, en tant qu'aptitude à recevoir des déterminations, l'infini de la matière n'est pas un rien dans la pensée antique. Chez les pré-socratiques, la notion d'infini n'aura pas un sens uniquement négatif et péjoratif, même au niveau du quantum spatial et temporel. Pour Anaximandre (vie s. av. J.-C.), un principe appelé Apeiron, inengendré et incorruptible, est source de toutes choses, les englobant et les dirigeant toutes, ne se réduisant à aucun élément matériel. Il est d'une fécondité inépuisable et produit une infinité de mondes. Les cosmologues du vie et du ve siècle avant J.-C. reprendront cette notion : l'infinité du temps sera liée à une cyclicité perpétuelle. D'Héraclite et d'Empédocle aux derniers stoïciens s'affirmera l'idée d'une périodicité cosmique, les mondes succédant aux mondes dans un temps ininterrompu. Il n'y a pas, entre ces mondes, de continuité ni de progrès, certes. Mais chez les atomistes, à l'idée de retours périodiques se substitue l'idée d'une infinie succession du temps apportant toujours du nouveau.

Platon « commettra un parricide » en affirmant, contre « son père », Parménide, que le non-être est, dans un certain sens. Toute chose comporte de l'illimité, de la matière, un emplacement, du plus ou du moins dans l'extension, dans la division et la qualité (plus ou moins chaud, plus ou moins froid), de l'infini et de l'indétermination, qui ne sont pas purs néants. Mais, surtout, sans parler de l'infini à propos de l'idée du Bien et sans interdire au regard – après le cheminement et l'exercice qu'exige son éclat démesuré – de fixer cette idée, Platon la situe au-delà de l'Être et ouvre ainsi, dans un sens différent du quantitatif, la dimension de l'infini où se placera l'Un infini des néo-platoniciens. Quant à Aristote, en admettant l' éternité du monde et de son mouvement, il laisse subsister comme un infini actuel dans la cause de ce mouvement éternel. L'acte, pur de toute puissance,[...]

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