INFLATION
Les théories économiques de l'inflation
Les observateurs de la vie économique et sociale ont, très tôt, identifié les liens entre monnaie et inflation. Au xvie siècle, des penseurs européens, tels que Jean Bodin (1530-1596) en France, soulignent la responsabilité de l'afflux de métaux précieux, notamment d'argent, en provenance des nouvelles colonies américaines, via l'Espagne et le Portugal, dans l'envolée des prix que subit l'Europe tout entière à cette époque. Dès 1576, Bodin peut ainsi écrire : « Je crois que les prix élevés que nous observons de nos jours sont dus à environ quatre ou cinq causes. La principale, et presque la seule (à laquelle personne n'a fait allusion jusqu'à présent), c'est l'abondance d'or et d'argent » (Supplément aux Six livres de la République, 1576). De même, chaque découverte d'une nouvelle mine d'argent, en Autriche ou en Allemagne par exemple, est bientôt suivie d'une poussée inflationniste, qui toutefois ne porte pas encore ce nom. C'est avec l'invention du papier-monnaie, et plus encore à la suite des émissions massives, visiblement excessives, qui en sont faites, en France au moment de la Révolution – les fameux assignats – et en Angleterre pendant les guerres napoléoniennes que les « économistes » – dont l'espèce était apparue en Europe depuis le milieu du xviiie siècle, qu'il s'agisse, en France, des physiocrates, avec François Quesnay et Turgot notamment, ou, en Angleterre, des classiques, avec Adam Smith, puis, au début du xixe siècle, David Ricardo – théorisent pleinement la relation causale entre quantité de monnaie en circulation et inflation : les émissions massives de papier-monnaie pour financer les guerres apparaissent alors comme étant, de toute évidence, responsables des très fortes hausses de prix observées.
La théorie quantitative de la monnaie et de l'inflation
À la suite de Jean Bodin, la très grande majorité des économistes acquiert ainsi, aux xviiie et xixe siècles, la conviction qu'il existe une relation causale entre la quantité de monnaie en circulation et la hausse du niveau général des prix. La première formulation de ce que l'on appellera par la suite la « neutralité de la monnaie », c'est-à-dire l'idée selon laquelle la circulation monétaire est sans effet sur les grandeurs réelles de l'économie que sont la production et les échanges marchands, est attribuable à l'économiste français Jean-Baptiste Say qui, au début du xixe siècle, émet la fameuse maxime : « la monnaie n'est qu'un voile ». Après lui et Ricardo, tous les économistes « classiques » du xixe siècle défendront la thèse « nominaliste », selon laquelle la monnaie n'influence que les prix. Il faudra cependant attendre le début du xxe siècle pour qu'enfin un économiste, américain en l'occurrence (Irving Fisher) formule rigoureusement, en 1912, l'équation qui relie la circulation monétaire au niveau général de prix : la première équation exprimant « la théorie quantitative de la monnaie », en termes de transactions, est née. Sa postérité sera remarquable : reprise par l'économiste de Chicago, futur prix Nobel d'économie, Milton Friedman, qui en fera le pilier du monétarisme, la théorie quantitative, pourtant si évidemment contraire à l'observation empirique, au moins dans les pays développés ne souffrant que d'inflation modérée, est devenue le cœur de la théorie monétaire de la fin du xxe siècle et inspire encore les discours, sinon les actes, des banques centrales en ce début de xxie siècle.
Inflation par les coûts et inflation par la demande
La persistance de l'inflation, au cours de la seconde moitié du xxe siècle, a engendré une multiplication des théories.[...]
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Écrit par
- Jacques LE CACHEUX : professeur des Universités à l'université de Pau et des pays de l'Adour
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