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INFORMATION : L'UTOPIE INFORMATIONNELLE EN QUESTION

L'ubiquité des enjeux et des acteurs

Les technologies de l'information et de la communication investissent tous les interstices de la société. Jour après jour ne cesse de se manifester cette omniprésence attestant à la fois la globalité des enjeux et leurs spécificités, qu'ils soient politiques, économiques, scientifiques ou militaires, qu'ils soient locaux, nationaux ou transnationaux. Preuve de la transversalité du numérique, la diversité des institutions appelées à jouer un rôle central dans la structuration de l'ordre mondial de l'information, lieux où aujourd'hui se débat, se négocie et se décide le statut de l'information, de la culture, de la communication et du savoir... L'U.N.E.S.C.O., l'organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, a inscrit au nombre des lignes prioritaires de ses programmes sur la diversité culturelle la démocratisation du cyberespace. L'Union internationale des télécommunications (U.I.T.) est le centre de gravité des débats sur la société de l'information. L'Organisation mondiale du commerce (O.M.C.) est compétente en matière de déréglementation des réseaux de télécommunications et de libéralisation des services audiovisuels et culturels, à travers l'Accord général sur le commerce des services annexé à l'accord de Marrakech (1994). L'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (O.M.P.I.), agence intergouvernementale rattachée au système des Nations unies en 1974 seulement, a pour fonction de définir à travers ses traités les normes qui réglementent la production, la distribution et l'usage des savoirs et connaissances.

L'opposition entre projets différenciés de réaménagement du monde à travers les technologies numériques a, depuis le début du siècle, donné à voir les différences qui séparent un projet pluriel de partage des connaissances, dans la sphère de la circulation comme de la production, et celui d'une société globale de l'information. Le fait que l'U.N.E.S.C.O., elle-même, tende à substituer l'idée de sociétés de la connaissance ou de savoir à celle de société de l'information est un indice parmi d'autres de cette prise de conscience. D'une part, à la différence de la notion de société de l'information, guidée par la seule technologie, les sociétés de la connaissance sont mind-driven, guidées par l'esprit. D'autre part, le refus de recourir à la notion singulière de « société globale » et le choix d'adopter la notion plurielle de « sociétés » entérine le fait que les modes d'appropriation des technologies sont fonction de la diversité des configurations d'acteurs inscrits dans des contextes institutionnels, culturels, industriels et politiques. Bref est reconnue la spécificité des régimes épistémiques. Mais la notion de connaissance n'en continue pas moins de faire problème, comme l'a souligné Philippe Quéau, à la fois ingénieur et philosophe du virtuel, et surtout le premier directeur de la Division de la société de l'information de l'U.N.E.S.C.O., mise en place à la fin des années 1990. Elle est calquée sur le terme anglais knowledge, linguistiquement lié à l'auxiliaire can, deux mots qui renvoient à l'utilité et au pouvoir. Dans les langues latines, en revanche, il existe un terme alternatif, « savoir », dont l'étymologie renvoie à la racine indo-européenne sap, « goûter », dont sont issus des mots comme sapientia, « sagesse ». Le savoir renvoie à la théorie. La bataille sémantique est loin d'être anecdotique. Elle est, remarque Quéau, « symptomatique de la différence qu'il y a entre des visions philosophiques quant au rôle de la connaissance. Enfin, elle peut révéler des différences quant à la finalité sociale que poursuit le remodelage[...]

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Écrit par

  • : professeur en sciences de l'information et de la communication, à l'université de Paris-VIII-Saint-Denis-Vincennes

Classification

Média

Norbert Wiener - crédits : Bettman/ Getty Images

Norbert Wiener