INGÉNIEUR ET ARCHITECTE

Un nouveau désir d'architecture

Face à la complexité croissante des constructions comme au déplacement qui s'opère en direction des outils numériques, on serait tenté d'annoncer la disparition inéluctable de la figure professionnelle de l'architecte. Après tout, l'architecture occupe une place mineure au sein d'un monde pourtant marqué par une urbanisation galopante. Mais c'est oublier que les phénomènes que l'on vient d'évoquer offrent également des opportunités nouvelles à la discipline architecturale et à ses représentants.

La complexité technique contemporaine fait tout d'abord courir à l'édifice le risque de n'être plus qu'une collection de dispositifs, de systèmes et de réseaux sans unité véritable. Or cette unité importe aux clients – qu'il s'agisse de personnes physiques, de sociétés ou d'institutions. Ceux-ci n'ont jamais été aussi sensibles à la qualité des espaces et à l'image que projette le bâtiment, pour des raisons où se mêlent l'aspiration à un cadre de vie confortable et harmonieux et des stratégies de communication. C'est dans ce contexte qu'il convient d'interpréter l'émergence d'un star system architectural à l'échelle mondiale, dont les représentants les plus connus, comme Frank Gehry, Zaha Hadid, contemporaine de Jacques Herzog et Pierre de Meuron, Rem Koolhaas ou Jean Nouvel, jouissent d'une reconnaissance bien plus étendue que celle dont avaient bénéficié en leur temps Frank Lloyd Wright, Le Corbusier ou Mies van der Rohe.

Le succès retentissant d'un projet comme le musée Guggenheim de Bilbao (1997) par Frank Gehry, sa contribution à l'image d'une ville en plein redressement économique et culturel permettent de mieux comprendre les espoirs que cristallisent les œuvres de tels architectes. Si l'on n'attend plus de l'architecture qu'elle change radicalement le monde, comme voulaient le croire les pionniers du Mouvement moderne, ses productions restent porteuses du désir d'une vie meilleure.

Si l'informatisation de la conception semble menacer à première vue le monopole de l'architecte, elle peut tout aussi bien contribuer à renforcer sa mainmise sur le projet, par l'intermédiaire de logiciels permettant d'articuler finement les caractéristiques formelles et techniques des bâtiments, ou encore grâce aux possibilités d'échange en temps réel d'informations entre les différents partenaires du processus d'édification qui se font jour. Grâce à l'ordinateur, chacun peu dialoguer à tout instant avec l'architecte : le client, l'ingénieur de bureau d'études ou encore l'entrepreneur. Certes, la figure de l'architecte se voit aujourd'hui remise en question. Mais les dangers qu'elle court sont à la mesure des perspectives de renouveau qui s'ouvrent devant elle.