INGÉNIEUR ET ARCHITECTE
De nouvelles formes de coopération
Au moment de la conception du Centre Georges-Pompidou à Paris, au milieu des années 1970, l'ingénieur Peter Rice avait été l'un des premiers à revendiquer une participation plus active à la conception architecturale de l'édifice. Sous la conduite de Henry Bardsley, Jean-François Blassel et Bernard Vaudeville, R.F.R. (Rice Francis Ritchie), le bureau d'études parisien qu'il avait fondé, est resté fidèle à son enseignement à travers des projets comme le terminal 2D de l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. En France toujours, un autre ingénieur, Marc Mimram, auteur de la passerelle de Solférino à Paris (1999), fait figure d'acteur majeur de la scène architecturale grâce à ses contributions à de multiples projets de bâtiments ainsi qu'à ses réflexions sur les nouveaux rapports qui se tissent entre architecture et technique aujourd'hui.
Dans de très nombreux cas, il n'est plus possible de passer sous silence la contribution de l'ingénieur. Les œuvres de Jörg Schlaich et Werner Sobek en Allemagne, ou de Mutsuro Sasaki au Japon sont là pour en témoigner. Il en va de même d'une pratique comme celle de Guy Nordensen aux États-Unis. Au modèle de la simple addition des compétences tend à se substituer le principe d'une fécondation mutuelle. C'est ce principe qu'a cherché à théoriser récemment l'ingénieur d'Ove Arup, Cecil Balmond, dans le livre Informal (2002) où il décrit en détail ses discussions de travail avec des partenaires tels que les architectes Rem Koolhaas, Daniel Libeskind ou Alvaro Siza.
L'ouvrage de Balmond exprime également le désir d'échapper au caractère linéaire et souvent simplificateur du raisonnement technique traditionnel, afin d'explorer des solutions originales, qualifiées par l'auteur de « non cartésiennes », peut-être de manière exagérément simplificatrice. Même si l'on peut critiquer de nombreux aspects de sa démarche, elle n'en est pas moins révélatrice d'une attitude que l'on retrouve aussi bien chez les ingénieurs que chez les architectes, souvent en relation directe avec l'exploration des perspectives ouvertes par l'ordinateur. La fascination exercée par la complexité, le goût des solutions « non standard » (pour reprendre le titre d'une exposition du Centre Georges-Pompidou, en 2003-2004) touchent aussi bien les premiers que les seconds.
De manière symétrique, de nombreux architectes tentent de réinvestir le champ des techniques. Là encore, il s'agit d'établir avec les ingénieurs de nouvelles relations, placées sous le signe d'une coopération véritable plutôt que d'une conception limitative de l'apport de l'ingénieur. Il en résulte souvent des propositions originales, à l'instar de la façade de Simmons Hall (2002), un dortoir du Massachusetts Institute of Technology conçu par l'architecte américain Steven Holl, en collaboration avec Guy Nordensen, qui présente un système de couleurs s'inspirant de la répartition des contraintes calculées par l'ingénieur.
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Écrit par
- Antoine PICON : professeur d'histoire de l'architecture et des techniques à la Graduate school of design de l'université Harvard, Cambridge, Massachusetts (États-Unis)
Classification
Médias
Autres références
-
ARCHITECTES ET INGÉNIEURS (expositions)
- Écrit par Michel COTTE
- 1 247 mots
L'ouvrage d'art et le grand bâtiment public ou industriel prennent place à la frontière de deux cultures, celle des architectes et celle des ingénieurs. Confrontation et complémentarité, affirmation d'autonomie et source mutuelle d'inspiration, l'ambiguïté paraît marquer cette rencontre. Les démarches...